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d’administration ; les navires de tous pays paieraient également[1]. L’acte du 26 février 1885 rattachait ces mesures aux actes analogues du Congrès de Vienne et du traité de Paris de 1856 ; mais, d’après l’acte de Berlin, les droits des non-riverains égalent ceux des riverains, et les cours d’eau sont déclarés neutres en cas de guerre.

Le Congrès voulait donner même régime aux deux fleuves. Mais le délégué anglais, sir Edward Malet, déclara qu’il ne lui semblait pas juste de soumettre le Niger, comme le Congo, au contrôle d’une Commission internationale, puisqu’il est, disait-il, séparé en deux biefs par un espace infranchissable de mille milles (1 600 kil.) Il ne s’agit donc que du bas Niger ; un seul État est riverain, l’Angleterre. C’est à elle qu’il faut confier l’exécution des résolutions du Congrès.

L’Angleterre ne prouvait pas son dire : l’avenir devait le démontrer faux. Erreur ou ruse, le Congrès ne devait pas admettre, sans la vérifier, une déclaration aussi grosse de conséquences. On pouvait donner, au moins provisoirement, au Niger le régime du Congo. L’article 30, § 2, admet donc que l’Angleterre peut faire des « règlemens de navigation… qui ne seraient pas contraires à l’esprit de ces engagemens » internationaux. Elle ne peut donc, par exemple, interdire aux navires de guerre de circuler sur le cours inférieur du fleuve ; l’acte du Congo stipule que ces navires ont accès au fleuve ; le fait seul que la contrebande de guerre peut être saisie sur le fleuve en temps d’hostilités le prouve, car ces navires seuls ont droit de faire des saisies. C’est d’ailleurs un principe de droit international que les fleuves soient libres pour les États qui ne peuvent pas communiquer autrement avec l’intérieur, comme l’Amazone, le Rio de la Plata en Amérique, et le Niger pour le Soudan français. L’Angleterre elle-même a stipulé avec le Portugal, en dehors de l’acte de Berlin, le passage pour ses navires de guerre par le Zambèze (20 août 1890). En matière même de navigation commerciale, le gouvernement anglais a des pouvoirs très limités ; nous verrons plus loin comment la compagnie du Niger les a outrepassés.

L’extension du Cameroun allemand, l’enthousiasme des explorateurs comme Karl Flegel, inquiétèrent l’Angleterre qui pressa l’Allemagne de traiter. La compagnie du Niger annonçait de

  1. V. Antoine Pillet : la Liberté de navigation du Niger (Revue générale de droit international public, mars-avril 1896).