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du milieu au sein duquel il habite et qui règle aussi bien son existence matérielle que ses habitudes, ses mœurs, ses facultés intellectuelles. Nulle part ces étroites relations ne s’aperçoivent d’une manière plus frappante que dans les eaux, probablement parce qu’elles s’y trouvent à leur état de plus grande simplification, ou, pour mieux dire, de moindre complication. Les lois de l’océanographie sont donc les bases rationnelles de la pêche devenue méthodique et par conséquent scientifique, et l’aquiculture est une sorte d’agriculture de la mer.

Dans l’accord entre l’être et le milieu ambiant, trois cas se présentent. Si l’accord est complet, l’être éprouvant au mieux la satisfaction de ses besoins, se développe et abonde ; s’il est médiocre, l’être qui souffre se fait rare ; si enfin l’accord est contraire, l’être disparaît soit par la fuite s’il possède, comme l’animal, le pouvoir de se déplacer, soit par la mort si, comme la plante, il est condamné à rester à la même place. L’être vivant traduit donc de trois façons les conditions du milieu : par sa présence, sa rareté ou son absence. Les dragages exécutés même dans les grands fonds démontrent d’une manière frappante l’extrême cantonnement des espèces animales parmi lesquelles les unes sont évidemment plus sensibles et les autres moins sensibles aux conditions ambiantes. Chacun de ces états résume un ensemble de conditions extérieures, physiques, chimiques ou mécaniques, et à ce titre l’animal, le végétal et même à un certain degré le minéral, constituent un instrument de mesure, gradué grossièrement il est vrai, parce que, si l’abondance ou l’absence sont relativement faciles à reconnaître, rien n’est plus vague et moins déterminable que les degrés de la rareté. Un poisson trouvé en une localité indique que l’eau possède une profondeur, une température, une salure comprises entre des limites fixes, une nature spéciale de fond, des courans de vitesse calculable. Tous ces détails sont impliqués dans le fait seul de la présence de l’être ou de son absence. La pêche est le problème consistant à savoir d’avance si en tel lieu, à telle époque, le poisson sera abondant, rare ou absent. La capture est pure affaire de métier. Les étrangers ont bien reconnu que l’étude des pêches était avant toutes choses celle des relations existant entre le milieu marin et l’animal, c’est-à-dire une question de zoologie dont la première base est la connaissance même du milieu, c’est-à-dire une question d’océanographie. Ils ont mis le principe en pratique dans leurs