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réductions indépendantes de tout traité. Après la guerre de 1870, le Parlement douanier disparaît et fait place au Parlement allemand proprement dit (Deutscher Reichstag), qui réunit les attributions douanières aux autres. Le Zollverein s’évanouit ; l’Empire est fondé. Désormais c’est à lui qu’appartient la législation commerciale ; c’est lui qui reçoit les droits de douane perçus pour son compte par les États particuliers ; l’union douanière est irrévocable. Le traité avec la France est remplacé par l’article 11 du traité de Francfort. La France et l’Allemagne s’obligent réciproquement, sans limitation de durée, à s’accorder tous les avantages de tarifs que l’une ou l’autre octroyerait à l’un des six États suivans : Angleterre, Belgique, Hollande, Suisse, Autriche, Russie. Le traité de navigation, la convention littéraire sont en même temps renouvelés.

L’annexion de l’Alsace-Lorraine eut pour effet de créer d’abord, à l’intérieur de l’Allemagne, une concurrence sérieuse, qui provoqua beaucoup de plaintes de la part des industriels. Cependant c’était toujours l’esprit libre-échangiste qui prévalait ; en 1873, de nouveaux abaissemens de droits étaient décidés ; en 1877, l’influence des grands propriétaires, unis aux libéraux, alla jusqu’à faire supprimer les droits d’entrée sur les fers. Les agrariens croyaient que l’entrée en franchise des machines abaisserait le coût de la vie pour les ouvriers. Ce fut le dernier triomphe des libre-échangistes en Allemagne. Les vents allaient tourner, et les dispositions devenir, chez une partie de la nation, le contraire de ce qu’elles avaient été au cours du XIXe siècle.

Nous avons raconté ici même[1] quelle fut, sous l’inspiration de Bismarck, l’évolution de la politique douanière allemande après 1879. Le tarif de cette année rétablit les droits sur les bois et les céréales supprimés depuis 1864, les droits sur les fers supprimés en 1877 ; éleva et généralisa les droits sur une foule d’autres denrées. En 1885, les droits sur les céréales furent triplés, ceux sur les bois doublés, et beaucoup d’autres majorés. En 1887, les droits sur les céréales montèrent encore une fois dans la proportion de trois à cinq.

Mais bientôt le chancelier de Caprivi, reconnaissant le danger qu’il y avait pour le commerce et l’industrie allemands à se

  1. Voyez, dans la Revue du 1er avril 1895, les Finances de l’Allemagne.