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qui est chargée de cette fabrication. Dans le projet du gouvernement, l’artillerie de marine devenue artillerie coloniale conserve cette attribution. C’est donc au service colonial qu’il appartiendrait de fournir à la flotte son matériel d’artillerie, ce qui semble assez peu rationnel. Le rattachement de l’armée coloniale aux Colonies nécessiterait le maintien au ministère de la Marine de la direction actuelle de l’artillerie ; seul le bureau du personnel émigrerait aux Colonies.

La Marine, devrait confier la fabrication de ses pièces à des ingénieurs spéciaux ou à des officiers d’artillerie prêtés par l’armée métropolitaine. La logique et l’économie voudraient que le matériel d’artillerie de l’armée de terre et celui de la flotte sortissent des mêmes établissemens. C’est ce qui a lieu en Angleterre. L’immense arsenal de Woolwich, que dirigent presque exclusivement des ingénieurs, fournit à la fois des canons monstres aux bâtimens cuirassés et des pièces de campagne aux batteries de la Royal Artillery. Mais l’esprit d’arme et de particularisme est trop développé en France pour qu’une semblable fusion puisse s’opérer et que l’un de ces deux départemens accepte de dépendre de l’autre pour son armement.


II

Le commandement de l’armée coloniale ainsi constitué dans des conditions qui lui garantissent son autonomie et sont faites pour lui donner confiance, que doit être cette armée ? Il ne saurait y avoir de doute à ce sujet ; elle doit être ce que l’on appelle une armée de métier. Cette dénomination s’applique à une armée ne comprenant que des soldats décidés à faire leur carrière dans le métier des armes et à atteindre par des rengagemens successifs l’âge de la retraite, par opposition à une armée telle que la nôtre, dont les lois militaires postérieures à la guerre ont fait une vaste école d’instruction, squelette vigoureusement charpenté, mais aux membres quelque peu grêles, de la puissante armée de guerre que la mobilisation nous donnera.

On a beaucoup parlé d’armée de métier dans ces derniers temps. Il s’est trouvé d’assez nombreux détracteurs des gros effectifs, prétendant qu’une petite armée composée uniquement de vieux soldats et énergiquement commandée aurait facilement raison des grandes armées d’aujourd’hui. Sans discuter cette