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avec elle, l’armée doit recevoir la place honorable qui lui est due et n’être l’objet d’aucune mesure de nature à porter atteinte à sa dignité. Dans le même ordre d’idées, une autre nécessité s’impose. On ne saurait admettre que le ministre des Colonies commande directement l’armée coloniale, ainsi que font, des troupes relevant de leur département, les ministres de la Guerre et de la Marine. Il serait à craindre qu’il ne possédât pas l’autorité morale nécessaire à l’exercice de ce commandement. On pourrait objecter que les deux portefeuilles de la Guerre et de la Marine ont été détenus à diverses reprises par des civils et que ces départemens n’en ont pas moins bien fonctionné. Cela est vrai, mais les conditions sont absolument différentes.

Ces deux ministères sont exclusivement militaires ; il ne s’y traite que des questions d’ordre purement militaire ; dans les bureaux, l’élément civil n’y occupe que des positions secondaires et n’y possède aucune influence. Auprès de lui, le ministre de la Guerre a un cabinet militaire, un état-major général comprenant un nombre considérable d’officiers de tous grades, des directions à la tête desquelles sont des officiers généraux. Il en est à peu près de même à la Marine. Les titulaires de ces deux départemens peuvent être civils sans grand inconvénient ; l’armée et la flotte ne s’en alarment pas, elles savent que leurs intérêts ne péricliteront pas. Ces ministres, que l’on sait d’ailleurs avoir été portés à cette position élevée par un jeu de bascule parlementaire et être destinés à en descendre prochainement, ne pourraient prendre une décision fâcheuse, lésant de graves intérêts, sans recevoir de leur entourage de respectueuses observations dont il leur serait difficile de ne pas tenir compte. Mais, au Ministère des Colonies il n’en serait pas de même. L’élément civil y domine ; le ministre a auprès de lui un cabinet civil, des bureaux exclusivement civils. Une direction militaire aurait beau être instituée à côté des directions existantes, elle ne pourrait, à moins de recevoir la solide organisation que nous allons exposer, résister aux pressions émanant du ministre et de son entourage. Les grades, les emplois seraient donnés à la faveur ; ou, tout au moins, on pourrait le redouter. L’armée ne se sentirait pas chez elle ; elle éprouverait du malaise, de l’inquiétude, à être sous un commandement autre que celui de ses chefs hiérarchiques. Il est indispensable de la rassurer et de lui donner confiance.

Le ministre aura donc près de lui et sous son autorité un