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exagération des cadres et des effectifs proposés pour elle en vue de la mettre à même de jouer ce rôle éventuel. Il semble que l’on se préoccupe bien plus de se ménager un corps d’armée supplémentaire que de créer des troupes spéciales, destinées au service des colonies.

Nous estimons que c’est un tort. A prétendre lui faire remplir cette double mission, on risque d’enlever à l’armée projetée le caractère particulier qu’elle doit présenter ; à vouloir lui donner les qualités qui la rendront propre à une guerre continentale, on s’expose à lui enlever celles qu’elle doit posséder pour lutter contre des bandes irrégulières dans la brousse et les forêts équatoriales. Enfin, ce sera ajouter aux forces militaires du pays une armée mixte, susceptible de satisfaire dans une certaine mesure aux exigences du service dans nos possessions d’outre-mer, mais non une armée purement et exclusivement coloniale.

Ce n’est point, qu’on veuille bien le croire, que nous tenions pour négligeable et de peu de prix l’addition d’un nouveau corps d’armée à ceux dont nous disposerons au jour de la mobilisation générale ; mais, les troupes coloniales devant avoir un recrutement spécial et dispendieux, il importe de ne leur donner en temps ordinaire que l’effectif strictement nécessaire. En cas de guerre continentale, si la partie disponible de ces troupes n’est pas réclamée par la défense des colonies, par la nécessité de les prémunir contre les entreprises des flottes ennemies, elle pourra, elle devra même être envoyée à la frontière, mais ce ne sera là qu’une ressource incertaine et éventuelle. Si la création d’un corps supplémentaire s’impose, c’est à d’autres troupes et à d’autres expédiens qu’il convient de recourir pour l’obtenir.


I

Quelles conditions doit remplir l’armée coloniale ? Elle doit avoir son autonomie complète, absolue ; posséder ses moyens d’action, ses magasins distincts et indépendans de ceux de l’armée métropolitaine ; avoir un personnel, troupes et officiers, spécialement instruit en vue du service colonial et ayant les aptitudes voulues ; présenter, non seulement des cadres et des effectifs suffisans pour constituer la garnison normale des colonies, mais encore une réserve qui permette d’organiser, en cas de besoin, un corps d’armée expéditionnaire ; n’imposer au Trésor que le