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ministre des Affaires ecclésiastiques, Mgr Feutrier. Il voudrait du moins ne pas attacher son nom à une violence contre l’Eglise ; mais, au moment où il demande à quitter le ministère, ces mois : « Evêque, vous m’abandonnez ! » suffisent pour qu’il reste et signe.

Tous les évêques ne poussent pas si loin l’héroïsme des capitulations ; au lendemain des Ordonnances, soixante-treize d’entre eux adressent au roi un Mémoire où parlent leur douleur et leurs vœux[1]. Mais cet acte ne continue pas la revendication commencée par les hommes publics en faveur de libertés générales ; il réclame le retour au privilège qui depuis quinze ans permet d’entretenir la vie monastique des ordres religieux et d’élever la jeunesse catholique dans un pays où n’existent ni la liberté d’association, ni la liberté d’enseignement ; il réclame ce privilège comme le droit de l’Eglise dans un État chrétien. Pour obtenir ce qu’ils désirent, les évêques ne parlent ni à l’opinion publique, ni aux fidèles, ni aux Chambres, mais au roi. Ils ont fait pour lui seul le document remis entre ses mains : silence nécessaire, car la situation réclamée par l’épiscopat est celle contre laquelle le sentiment général, les Chambres, la magistrature, le ministère ont pris parti. Seul le roi la regrette : l’épiscopat, en agissant comme si le roi était seul, en concentrant sur lui toute la responsabilité du dommage subi et tout l’espoir d’un avenir réparateur, garde la tradition du régime absolu, et invite le souverain à mettre sa volonté propre au-dessus de la magistrature, de la Chambre, du ministère, de l’opinion.

Or, ces plaintes et le conseil qui s’en dégage répondent au secret désir de Charles X. Pour lui, le réveil de l’opinion a été une erreur, la défaite de la droite une surprise, le ministère Martignac une épreuve, les gages donnés au parti libéral une humiliation, les Ordonnances un grand trouble de conscience. Depuis longtemps il sent fuir entre ses mains l’autorité royale. Les doléances des évêques l’avertissent que les amoindrissemens de sa prérogative royale mettent en péril la mission de l’Eglise et que, pour restaurer les droits de Dieu, il est temps de rétablir les droits du Prince. Il obéit à ceux qui lui font un devoir de redevenir le maître. Le renvoi du cabinet, le choix du ministère Polignac, la dissolution de la Chambre marquent les étapes de ce retour vers

  1. Ce mémoire, du 1er août 1828, fut publié contre le dessein des signataires et par suite d’une indiscrétion.