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et plus vite, remarquait d’Azeglio après cet incident, lorsque nous nous adressons directement à Paris. » Là, en effet, il ne rencontrait que de bons procédés.

Aux réceptions de janvier 1852, le Président demanda en allemand à l’ambassadeur autrichien : « Pourquoi vos concentrations de troupes à la frontière du Piémont ? je ne comprends pas ce que cela signifie. Nous avons vous et moi assez d’embarras au dedans, sans chercher des difficultés au dehors. » Le 2 février, il disait au ministre piémontais à Paris, Collegno : « Arrivera le jour où nos deux pays se trouveront compagnons d’armes pour la noble cause de l’Italie. »

Encouragé par ces démonstrations, le roi, lors du voyage triomphal du Président, envoya vers lui, à Lyon, le général La Marmora, porteur d’une lettre autographe dans laquelle il lui demandait son amitié, lui offrant la sienne. Le Prince répondit, — le général me l’a raconté, — qu’il devait en ce moment « travailler à consolider l’autorité et le crédit de la France, mais qu’il était résolu, s’il y réussissait, à faire quelque chose pour l’Italie, qu’il aimait comme sa seconde patrie ; qu’il pouvait porter au roi, avec l’assurance de son amitié, son vif désir de confirmer les promesses et les paroles par des actes. »

En effet, Napoléon III, sans l’impulsion de quoi que ce soit ni par crainte du poignard des carbonari auxquels il n’avait jamais été affilié, ni sous l’entraînement des séductions de Cavour, qu’il connaissait à peine, de sa pleine et libre volonté, conformément aux aspirations de sa jeunesse, et aux convictions de son âge mûr, avait pris en lui-même la ferme résolution d’opérer l’affranchissement de l’Italie. C’était l’objet principal qu’il donnait à son activité extérieure, l’action d’éclat par laquelle il voulait se montrer digne de son nom, la manière dont il espérait introduire dans les faits le principe des nationalités et détruire les traités de 1815.

Dans sa pensée, affranchissement ne signifiait pas unité. Il était prêt à arrondir le Piémont en Italie, comme la Prusse en Allemagne, mais, dans aucun des deux pays, il ne croyait l’unité conforme aux traditions, favorable aux intérêts nationaux. Dans les deux il voulait non une Unité sous la main d’un des souverains, mais l’Union fédérative entre tous les souverains : en Allemagne, sous la présidence de la Prusse, en Italie, sous la présidence honoraire du Pape et sous celle effective du Piémont.