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Jacobins et Terroristes, et les fanatiques de Napoléon s’étaient enrôlés, étranges conscrits, sous le drapeau de la liberté. Le même drapeau, dans toute l’Europe, abritait la même confusion, un seul mot, tous les régimes du cycle révolutionnaire. A ceux qui voulaient pour la société nouvelle un gouvernement logique et fort, l’Empire avait révélé les droits du génie à la première place, la simplicité de l’omnipotence, les joies de la soumission quand, par elle, le plus humble est coopérateur de grandes choses et participant de leur gloire ; aux âmes de haine et de boue, la Convention et le Directoire avaient appris l’art de soulever des bas-fonds les idées et les hommes, le secret de soutenir leur fortune sur la permanence des troubles, la volupté de détruire, de corrompre, de jouir et d’épouvanter. Ceux-là ne voulaient que détruire l’ordre établi en 1815. Trop peu nombreux, ils s’étaient mêlés à la masse libérale pour la faire servir à leur dessein. Leur intérêt n’était pas de rendre, par les réformes les plus efficaces, le plus grand nombre des hommes apaisé et patient, mais de choisir les réformes les plus capables d’allumer la guerre civile. Contre les monarchies ils n’avaient pas à attendre l’aide de la classe inférieure : la multitude pauvre et ignorante ne demandait qu’à être bien gouvernée et non à gouverner elle-même. Au contraire, la bourgeoisie riche et instruite était par ses loisirs, ses aptitudes, son orgueil, poussée vers les ambitions du pouvoir ; pour elle, il n’y avait pas de bon gouvernement, si elle ne gouvernait elle-même. Entre cette ambition bourgeoise et les prérogatives royales, une rivalité était facile à transformer en haine. Ne pas s’occuper des classes inférieures parce qu’ils n’avaient rien à en attendre ; offrir à une classe lettrée, éloquente et frondeuse, les armes qui partiraient toutes seules contre les gouvernemens ; conserver, sauf ces libertés de combat, toutes les lois de dictature qui rendraient durable le pouvoir à surprendre par un coup de force, telle était la combinaison profonde des révolutionnaires. Et, puisqu’elle était la tactique la plus destructrice, il leur fallait l’employer partout identique. Les sociétés secrètes avaient, sous le sol de l’Europe, joint leurs chemine-mens, et, malgré les frontières, étendu le domaine international de la révolution. Il fut facile aux chefs de l’aire parvenir le même mot d’ordre aux affiliés de chaque pays, facile dans chaque pays à ces affiliés de dominer par leur énergie et leur concert la masse libérale, de fixer son regard sur les seules libertés qui étaient