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on voit qu’il se réduit à peu de chose, et que plus de la moitié en est déjà réalisée. Et c’est pourtant avec ce programme que le parti radical espère agir sur l’imagination du pays. A la vérité, il lui montrera en même temps la République en danger, menacée par le Roi et par le Pape, par le Duc d’Orléans et par Léon XIII, d’autant plus perfides envers elle, l’un et l’autre, que celui-ci la couvre de son adhésion et que celui-là renonce à lui faire la guerre. C’est avec ces armes et bagages que M. Bourgeois et ses amis partent en campagne.

On demandera si le programme des modérés est beaucoup mieux fourni. Nous ferons remarquer, d’abord, que les modérés ne promettent pas de miracles. Ils ne nient pas la nécessité de quelques réformes dans notre système fiscal, mais ils n’ont jamais pris l’engagement de le transformer de fond en comble. L’impôt sur le revenu n’est pas pour les effrayer : ils le regardent même comme légitime, si on y voit un correctif de ce qu’ont d’exagéré nos impôts indirects, dont le poids principal ne retombe évidemment pas sur les classes les plus riches de la société. Qu’un nouvel impôt direct soit établi, ou que les anciens soient transformés en vue d’atteindre dans leur ensemble les facultés du contribuable, personne ne s’y oppose. Le ministère Méline a déjà présenté des projets dans ce sens : ils consistent dans la refonte et dans la fusion de l’impôt personnel mobilier et de l’impôt des portes et fenêtres. Mais ces impôts, comme tous les autres, portent sur le revenu présumé d’après des signes extérieurs, et il doit en être de même de celui qui les remplacera. La déclaration du contribuable est à écarter, même facultative, parce qu’elle risque toujours d’être fausse, et que, dès lors, elle doit être contrôlée ; or, elle ne peut l’être que par des procédés vexatoires et inquisitoriaux. C’est en cela surtout que les modérés se distinguent et s’éloignent des radicaux. Il est un autre point sur lequel l’accord entre eux ne paraît pas moins impossible. Les radicaux sont partisans de l’impôt progressif ; les modérés ne sauraient l’admettre. Nous savons bien que beaucoup d’entre eux ont voté la progression en matière successorale, et que le Sénat a ratifié ce vote ; mais on leur avait dit que c’était là une matière spéciale, qui pouvait être traitée suivant certains procédés, sans que ces procédés s’appliquassent à d’autres cas ; et enfin qu’il ne s’agissait pas d’une progression véritable, mais d’une simple dégression au profit des petites successions. Quelle que soit leur valeur, ces argumens ont pu toucher un certain nombre d’esprits, partisans de la proportionnalité et ennemis de la progression en matière fiscale. Les principes sont restés saufs, au moins dans les intentions. Ce qui continue