Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/717

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’autrefois, ni pour un aussi long temps. Il restera quelque chose des expériences qui viennent de se faire. Le parti modéré ne saurait oublier qu’il y a trouvé cette durée, cette stabilité ministérielle après laquelle le pays soupirait en vain, et qui semblait être un problème insoluble. Il l’était, en effet, avec la concentration républicaine. Ce système pouvait augmenter la surface de la majorité, mais à la condition de la rendre faible, inconsistante et friable, tantôt sur un point et tantôt sur un autre. Avec lui, les ministères duraient six mois. Il est vrai qu’en se succédant, ils se ressemblaient à s’y méprendre. S’il y avait peu d’utilité à provoquer une crise ministérielle, il n’y avait d’autre part aucun inconvénient. Aujourd’hui, on y regarde à plusieurs fois avant de renverser un cabinet, et une des principales raisons qui ont fait la solidité de celui de M. Méline, est qu’on pouvait, qu’on devait même craindre, au début, de voir revenir M. Bourgeois. Le sentiment du danger à courir a fait la cohésion de la majorité et l’a maintenue jusqu’à la fin. Si on n’est pas complètement rentré dans la vérité du gouvernement représentatif, — qui est le gouvernement d’un parti à l’exclusion d’un autre parti, — on s’en est du moins rapproché.

Maintenant, la trompette du jugement dernier sonne pour la Chambre, et nous allons voir quelle sera l’attitude de nos députés d’hier devant leurs juges de demain, c’est-à-dire devant les électeurs. Dans quelques jours, les journaux seront remplis de professions de foi et les murailles en seront couvertes. Que diront-elles ? Nous voudrions préciser les points principaux des programmes qui vont se trouver en présence et en conflit. Cela n’est pas toujours aussi facile qu’on pourrait le croire.

Nous avons peu de chose à dire des socialistes, non pas, certes, que nous les regardions comme une quantité négligeable, mais parce qu’il suffit de savoir qu’ils sont socialistes, collectivistes, ennemis de la propriété individuelle, quelques-uns intransigeans sur les principes, quelques autres disposés à en sacrifier, ou du moins à en ajourner quelque chose, pour en faciliter l’application par des mesures transitoires. La seule question qui se soit posée pour eux a été de savoir s’ils feraient ou non alliance électorale avec les radicaux, comme ils avaient fait avec eux alliance parlementaire. On a jugé, de part et d’autre, qu’il valait mieux pour chacun des deux partis courir sa propre fortune, sauf à se retrouver le lendemain des élections, et à renouveler les beaux jours du ministère Bourgeois. Ce qui est bon à la Chambre ne l’est pas toujours en face des électeurs. Le radicalisme est assez répandu dans les campagnes, mais le socialisme y fait peur. Nos