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considérable. Il s’élève à plusieurs centaines. Le fret leur est apporté par de grands bateaux plats qui descendent le Rhône au fil de l’eau et le remontant halés par des chevaux.

A l’époque de la foire de Beaucaire, les navires étrangers retrouvent le chemin du Rhône pour apporter les marchandises qui alimentent la célèbre foire.

Cet état de choses s’est prolongé jusqu’au milieu de ce siècle. Il a pris fin lorsque le chemin de fer de Lyon à la Méditerranée a détourné à son profit la plus grande partie du trafic du Rhône supérieur. La marine d’Arles y perdit les principaux élémens de son fret. Dans les années qui suivirent, la transformation de la marine à voiles en marine à vapeur, l’accroissement progressif et constant du tonnage des navires achevèrent sa ruine. L’établissement du canal Saint-Louis lui porta le dernier coup. Le terminus de la navigation fluviale n’est plus à Arles, mais à Port-Saint-Louis. C’en est fait dès lors de la navigation maritime dans le Rhône. Est-ce à dire que le bas Rhône ne rende plus de services au commerce français ? Loin de là. Pour avoir changé de caractère, ses services ne sont pas moins importans. Quelques chiffres vont nous en convaincre.

Au moment où s’ouvrit à l’exploitation la ligne de Lyon à la Méditerranée, le trafic par la navigation du Rhône s’élevait à 500 000 tonnes. Immédiatement après, il tomba à 200 000 tonnes. En abaissant ses tarifs différentiels au-dessous du fret par bateaux, la compagnie du chemin de fer avait détourné à son profit la plus grande partie du trafic fluvial. On put croire à ce moment que la navigation du Rhône était destinée à disparaître à bref délai. Ces craintes ne se sont heureusement pas réalisées.

Les armateurs des bateaux du Rhône surent résister à l’épreuve et mériter par leur constance de regagner le terrain perdu. Lyon et Arles, atteints dans leurs intérêts vitaux, élevèrent des plaintes très vives. Leurs réclamations finirent par obtenir des pouvoirs publics, d’abord la création du port et du canal Saint-Louis, puis l’établissement du système de digues submersibles dont il a été parlé plus haut. Ces travaux ont amené dans les conditions de la navigation fluviale une amélioration qui s’est traduite par un relèvement très marqué du trafic. Pendant les onze premiers mois de l’année dernière, les seuls dont les résultats soient connus à cette heure, le mouvement de la navigation du Rhône s’est chiffré de Lyon à Arles par 550 651 tonnes, et d’Arles à la