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les bouches secondaires. Ce travail n’eut d’autre résultat que de déplacer la barre sans l’améliorer ; on a même dû par la suite rouvrir les bouches condamnées pour éviter l’envasement trop rapide du golfe de Fos. On revint alors à l’idée d’un canal transversal. Cette idée reçut sa troisième application à Saint-Louis-du-Rhône. Le canal à grande section ouvert sur ce point fonctionne depuis vingt ans. Il permet aux navires d’entrer dans le Rhône et d’en sortir en tout temps sans obstacle et sans danger. La question des embouchures semblait ainsi définitivement résolue, lorsque Marseille a mis en avant un projet reliant directement ses ports avec le Rhône. Nous dirons quelques mots tout à l’heure du canal Saint-Louis et de son futur rival, le canal du Rhône à Marseille.


V

Dans les conditions de navigabilité que nous venons d’indiquer, depuis l’antiquité jusqu’au XVIIIe siècle, les navires de mer remontaient aisément le Rhône jusqu’à Arles. Leur tirant d’eau n’était pas supérieur à la profondeur que l’on trouve sur les seuils les plus élevés du cours inférieur du fleuve.

Dès l’an 217 avant Jésus-Christ, le consul Publius Cornélius Scipion pénètre dans le Rhône avec soixante-cinq galères, pour en disputer le passage à Annibal. Cent ans plus tard, Marius suit la même voie pour venir barrer la route de l’Italie à l’invasion Cimbre (101 avant Jésus-Christ). César, assiégeant Marseille, demande à Arles douze navires (43 avant Jésus-Christ). Quelques années après, il établit dans cette ville une colonie de vétérans. A partir de ce moment, les rapports d’Arles avec Rome et l’Italie se régularisent et se multiplient, le commerce maritime du bas Rhône se développe rapidement. Le port d’Arles auquel il aboutit en acquiert une telle importance que la ville devient le siège de la préfecture des Gaules, la résidence de Constantin et de plusieurs de ses successeurs. Dans un édit célèbre (418), Honorius fait ressortir l’activité de ce port. « L’heureuse assiette d’Arles la rend le lieu d’un commerce si florissant qu’il n’y a point d’autre ville où l’on trouve plus aisément à vendre, à acheter et à échanger les produits de toutes les contrées de la terre… On y trouve à la fois les trésors de l’Orient, les parfums de l’Arabie, les délicatesses de l’Assyrie, les denrées de