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pouvoirs locaux, décréta la réunion en grands syndicats des associations librement constituées et leur imposa l’étroite réglementation qui les régit aujourd’hui.

Il existe actuellement quatre grandes associations des chaussées en aval d’Arles. L’association ou syndicat du Plan du Bourg, sur la rive gauche du grand Rhône, protège les terrains d’Arles à la mer. Ses digues ont une longueur de 40 800 mètres ; leur entretien coûte 25 000 francs par an. Le syndicat de la Camargue défend l’île de ce nom. Ses digues ont un développement de 40 360 mètres sur le grand Rhône et de 54 300 mètres sur le petit Rhône. Leur entretien annuel absorbe 50 000 francs. Le syndicat de Beaucaire à la mer protège la riche plaine du Gard qui longe la rive droite du petit Rhône. La longueur de la digue est de 57 000 mètres, la dépense annuelle de 30 000 francs. Enfin le syndicat de la Digue à la mer défend la Camargue contre les incursions de la mer. Sa digue a une longueur de 41 358 mètres de l’embouchure du grand Rhône à celle du petit Rhône. L’entretien coûte 10 000 francs par an.

L’établissement de ces grands ouvrages a eu des conséquences qui n’ont pas toujours été heureuses. Sans doute, les récoltes ont été protégées et les revenus ont été régularisés. Mais ces avantages ont été achetés au prix de l’amélioration du fonds. Une seule crue dépose jusqu’à 0m, 30 d’un limon très fertile. Combien serait riche aujourd’hui le delta du Rhône, s’il n’avait été privé depuis des siècles du bénéfice des crues du fleuve ! Quand les eaux de crue se répandent naturellement, leur progression est lente et régulière et leur écoulement s’opère normalement. Au contraire, lorsque l’inondation a lieu par suite de la rupture d’une digue, il se produit une chute de plusieurs mètres et des courans violens qui ravinent les terres au lieu de les chausser. La rapidité foudroyante de l’arrivée des eaux surprend les cultivateurs et ne leur laisse pas le temps de sauver leurs denrées et leurs bestiaux. L’inondation prend alors les proportions d’une calamité. C’est ce qui s’est produit trop souvent dans la région du Rhône inférieur. Les dernières grandes inondations, celles de 1840 et de 1856, ont entraîné des pertes énormes dans le delta.

Je ne veux pas faire ici un trop facile parallèle entre le delta du Rhône et celui du Nil. Les analogies entre ces deux territoires sont frappantes ; mais, tandis que l’industrie des Egyptiens a tiré les plus grands profits des crues du Nil, nous n’avons pas su