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le chiffre est à fixer par les tribunaux. Le mariage enfin concède aux descendans le droit de porter le nom de leur père et d’hériter de sa fortune.

Voilà pour l’union régulière. — Que deviendra, d’autre part, l’union irrégulière, lorsque auront été promulguées les grandes réformes relatives à la protection des vierges et à la recherche de la paternité ?

Le concubinage continuera naturellement à être fondé sur le consentement et l’amour permanent des conjoints, l’autorisation des ascendans n’ayant rien à voir dans l’affaire. Il continuera également à ne pas être indissoluble ; en cas de dissolution, la concubine reprendra sa part du bien commun, et elle bénéficiera en outre d’une indemnité pécuniaire « de dix mille à cent mille francs », selon la fortune de son amant ; quand celui-ci se trouvera hors d’état de payer, « il sera condamné à un emprisonnement qui pourra être de dix années, et ne pourra être moindre de deux » ; l’enfant touchera une dotation équivalente à celle de sa mère. Dans le concubinage enfin, l’enfant portera d’office le nom de son père et héritera de lui.

C’est le triomphe de l’union libre. Triomphe rationnel d’ailleurs, puisque, le mariage n’étant plus déjà « qu’une liaison privilégiée par la loi », on se demandait en vertu de quelle préférence le législateur lui avait octroyé son privilège. Seulement, il faut le reconnaître, la beauté de telles conceptions est tout de même inquiétante. Si le jour semble heureusement lointain, où les parens, soucieux d’assurer à leur fille et à leurs petits-enfans une situation vraiment stable et avantageuse, renonceront à l’antique préjugé de chercher un gendre légal ; si l’heure n’est pas venue où le Code patronnera et protégera la fille-mère plus que la femme mariée, et l’enfant naturel plus que l’enfant légitime ; l’influence de ces paradoxes sociaux n’est pas néanmoins, dès aujourd’hui, restée sans effet sur les mœurs et sur l’équilibre intellectuel de nos contemporains. Du bouleversement incohérent de tous les principes de la morale traditionnelle, l’idée du mariage est sortie amoindrie ; le prestige des amours indépendantes, en revanche, n’a que profité de cet état anarchique. Et Dumas fils, qu’il l’ait voulu ou non, n’a certes pas été un des agens les moins actifs de cette double évolution : « C’est à force de s’apitoyer et de pleurer sur la faute de la femme, a-t-il écrit, qu’on la lui rend excusable et facile. « Lorsqu’il formulait cette très juste