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dont l’influence déprimante s’est prolongée jusqu’à nos jours, lui semblaient, dès 1854, d’un pitoyable et grossier byzantinisme. Il devinait la nécessité de réagir, de « faire autre chose », et, comme suite à la confession qu’il envoyait en 1869 à M. Francisque Sarcey, il ajoutait cette phrase suffisamment explicite : « Je me demande s’il ne faut pas considérer la littérature traditionnelle comme ayant dit son dernier mot depuis longtemps, et si ce n’est pas le moment de lui donner une nouvelle vie et une nouvelle force, en la mettant au service des grosses questions qui préoccupent tous les esprits. »

Et cette déclaration de principes n’est pas accidentelle et isolée ; l’idée qu’elle exprime revient fréquemment sous la plume de Dumas fils, en des termes plus ou moins précis, dans tous les ouvrages et surtout dans tous les opuscules qui sont datés de la période intermédiaire comprise entre 1864 et 1871. L’écrivain hésite manifestement. Il tourne et retourne ses argumens, peut-être autant pour se convaincre lui-même que pour convaincre ses contradicteurs. Mais on sent bien qu’il veut changer sa « manière », d’un côté parce que son intuition professionnelle lui a révélé que le public va se détourner du théâtre, si on n’y apporte pas des élémens d’attraction inédits, d’un autre côté parce que les réformes littéraires qu’il rêve flattent les plus profondes aspirations de sa nature intellectuelle et de son tempérament. Les circonstances extérieures, heureusement pour lui, conspirèrent à favoriser son évolution.

Au mois de novembre 1864, comme l’auteur de l’Ami des femmes était encore sous le coup de son récent échec, et tandis qu’il méditait vaguement ses projets de rénovation dramatique, il reçut d’Emile de Girardin, d’abord une invitation à venir écouter la lecture d’une pièce qui était intitulée : le Supplice d’une femme ; puis une proposition de remanier ladite pièce, dont la version primitive se trouvait, de l’avis de tous, absolument injouable. L’histoire de la collaboration orageuse d’où sortit le drame qui est demeuré depuis au répertoire du Théâtre-Français, ne présente plus aujourd’hui qu’un intérêt anecdotique, et il n’y a pas lieu de s’y arrêter ici. Quelques détails seulement de cette histoire méritent d’être retenus : ce sont ceux qui contiennent les aveux d’Alexandre Dumas fils relatifs à l’influence que ce genre de travail exerça sur son œuvre future.

On lui avait reproché « trop de développemens