Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le Mechanic’s Weekly Journal, organes des associations ouvrières. Il y trouvait des déclamations ardentes sur les droits des travailleurs et l’exposé des doctrines les plus révolutionnaires ; il fallut son bon sens précoce, et l’influence de sa mère pour l’empêcher de succomber à l’entraînement.

Thomas Cooper dans son autobiographie raconte que, vers 1839, il trouva dans Mundella un disciple et un admirateur. « Je venais, dit-il, d’adresser un chaleureux appel au patriotisme des jeunes Anglais, quand un beau jeune homme s’élança sur la plate-forme, déclarant qu’il était du parti des travailleurs et qu’il voulait être enrôlé comme chartiste… La sincérité de son zèle et la chaleur de sa parole excitèrent les acclamations d’un public composé exclusivement d’ouvriers. Il n’avait pas quinze ans quand il dut trop tôt se séparer de nous en quittant Leicester, et je ne le vis que dans cette seule occasion. »

Il est difficile de dire dans quelle mesure Mundella aurait subi l’influence et la direction du tribun populaire. Vers cette époque, il entra comme directeur dans la manufacture de MM. Hyne, à Nottingham, et son activité se porta tout entière sur ces nouvelles fonctions. Il avait le don de se faire aimer et apprécier partout, et ses patrons ne tardèrent pas à lui accorder toute leur confiance.

En 1844, à peine âgé de dix-neuf ans, il épousa une jeune fille qui ne lui apportait en dot que sa jeunesse et sa grande beauté. Je regrette qu’il me soit interdit de reproduire ici le portrait que Mme Roby Thorpe a tracé de sa mère et les détails qu’elle m’a communiqués sur la vie de famille de ses parens ; ces pages touchantes qui semblent détachées d’un roman de Dickens contiennent pour qui sait les lire un profond enseignement et révèlent sous son véritable aspect le caractère de Mundella. Il aimait sa femme avec passion et elle exerça sur toute sa carrière la plus heureuse influence. Intelligente et discrète, jugeant bien les hommes et les choses, lisant beaucoup et parlant peu, elle sut être à la hauteur de toutes les fortunes et les amis de son mari la consultaient volontiers sur les questions les plus graves, bien qu’elle professât, ajoute sa fille, une horreur profonde pour les femmes qui font de la politique.

Les appointemens du jeune directeur ne s’élevaient à cette époque qu’à 80 livres st. (2 000 francs) par an ; mais quatre ans plus tard en 1848, il entra comme associé dans la maison qui prit pour raison sociale Hyne, Mundella and C° et ne tarda pas à devenir