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publié quelques extraits. Dans les lettres qu’il écrivait en 1867 à son ami George Fox, il ne cesse de parler de ses conférences et de ses tournées de propagande et il exprime en toute circonstance la conviction profonde que le moment est venu de « substituer à la vieille méthode barbare des grèves une méthode plus équitable et plus chrétienne. »

A son exemple, les hommes les plus considérables de l’Angleterre tenaient à honneur de remplir les difficiles fonctions d’arbitre. M. Chamberlain, qui était alors un des amis politiques de Mundella, fut un des plus ardens promoteurs des conseils d’arbitrage et il a rendu quelques sentences qui eurent à cette époque un grand retentissement. On n’a pas oublié non plus l’arbitrage du cardinal Manning lors de la grève des Dockers de Londres. Le succès des conseils d’arbitrage fut encore facilité par les heureux résultats obtenus par M. Kupert Kettle, simple juge de comté, qui, pendant plus de dix ans, a été l’arbitre incontesté des difficultés les plus graves et qui a rendu de très grands services en réglant la procédure à suivre dans ces questions où l’amour-propre et la passion jouent un si grand rôle.

Les conseils d’arbitrage ne tardèrent pas à se répandre dans tous les pays anglo-saxons et pénétrèrent, quoique plus difficilement, en France et en Belgique.


II

L’homme, qui a su, par son initiative et la puissance de sa volonté, obtenir de pareils résultats est encore peu connu en France, et pourtant tous ceux qui s’occupent de questions sociales feraient bien de méditer les enseignemens qui ressortent de sa vie privée et publique. En effet, non seulement Mundella, par son caractère et ses hautes qualités, mérite l’admiration et la sympathie, mais il a été pendant toute son existence si intimement mêlé aux ouvriers, il s’est tellement identifié à eux et résume si bien leurs aspirations et leurs tendances que son histoire ressemble à une monographie des travailleurs anglais.

Au risque d’aller à l’encontre de certaines théories, nous devons cependant reconnaître qu’il n’était pas un Anglo-Saxon ; comme celle de Disraeli, sa famille venait d’Italie : mais il était de race latine et son père était un paysan propriétaire de la province de Côme, qui fut compromis en 1815 dans les conspirations des