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sont-ils tentés, pour les expliquer, de prêter à la bête les calculs et les raisonnemens que nous ferions à sa place.

C’est ainsi que quelques colombophiles attribuent le retour du pigeon voyageur à une merveilleuse mémoire locale. Dans ses ébats quotidiens, l’animal s’élevant au-dessus du colombier, noterait les accidens remarquables du sol, étudierait leur situation respective et les repérerait par rapport à sa demeure, traçant ainsi une véritable triangulation sur la contrée qu’il habite. Suivant les autres, l’animal acquerrait avec le temps une connaissance approfondie des courans magnétiques locaux. Une semblable hypothèse explique un fait mystérieux par d’autres faits plus mystérieux encore. On a même écrit que le pigeon s’orientait d’après le cours des astres.

Nous pensons que ces théories fantaisistes doivent être rejetées : l’animal ne saurait être mathématicien, géomètre, électricien, astronome ; et on a eu tort de chercher une manifestation intellectuelle dans un acte matériel qui met simplement en jeu un organe très perfectionné. Les animaux les mieux doués au point de vue de l’orientation lointaine ne sont pas, en effet, les plus intelligens, mais ceux qui possèdent les moyens de locomotion les plus puissans.

Telle est l’idée dont nous nous sommes inspiré en étudiant le mécanisme de l’orientation. Nous avons formulé une série de propositions très simples, fondées sur l’observation et expliquant une quantité des faits acquis depuis longtemps. Il a été possible de tirer de notre théorie d’intéressantes conséquences que la pratique est venue confirmer. En exprimant notre opinion dans cette question si controversée, nous espérons provoquer la discussion et de nouvelles recherches, qui nous conduiront sans doute à la connaissance complète de la vérité.


G. REYNAUD.