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été élevés dans une voiture aménagée en colombier. Ils n’ont pas d’autre gîte que leur habitation roulante. Peu importe au pigeon que sa voiture s’arrête aujourd’hui dans le fond d’un vallon, cherche demain un abri dans une forêt ou se fixe pour quelque temps dans le dédale de maisons que forme une grande ville. Si on l’éloigné du colombier pour le lâcher, il ne sera pas guidé dans le retour par la connaissance locale forcément très sommaire qu’il peut avoir des alentours de sa voiture, mais par le sens de direction qui lui donne une notion subjective de sa position par rapport au colombier.

La pratique a de tous points confirmé notre théorie. Nous avons eu l’occasion de faire d’intéressantes observations, nous allons citer quelques faits qui se rapportent directement à notre thèse[1].

Une voiture-colombier stationne pendant vingt-quatre heures à Epernay. Ses habitans ne sont pas mis en liberté, tandis que les pigeons des voitures voisines sont laissés libres pendant deux heures, puis emportés au loin pour être lâchés.

Le lendemain, nos voitures sont toutes dirigées sur Châlons, à l’exception de celle dont les pigeons n’ont pas volé à Epernay. Ceux-ci sont répartis entre les autres voitures qui sont du reste absolument identiques comme modèle à la première. A Châlons, les colombiers sont ouverts et les pigeons sont laissés libres. Quelques-uns de ceux qui ont effectué le parcours d’Epernay à Châlons dans une voiture étrangère partent pour Epernay et y retrouvent leur habitation roulante. Comment ont-ils réussi à reconstituer en sens inverse l’itinéraire d’Epernay à Châlons et à retrouver leur voiture sur un emplacement dont ils ne pouvaient connaître les alentours ? La loi du contre-pied seule permet d’expliquer ce fait. Nous avons du reste répété plusieurs fois cette curieuse expérience.

Pendant le stationnement du colombier au château de Morchies, deux pigeons s’égarent. On les retrouve à Bapaume, gîte précédent du colombier. L’un est repris, l’autre s’échappe. On nous signale son passage dans toutes les localités où sa voiture a

  1. Nos expériences ont permis de fixer un point, intéressant. D’après M. Dareste, les œufs agités avec une certaine violence pendant un temps prolongé n’arrivent pas à l’éclosion. Nous avons constaté que le roulement sur les routes, sur le pavé ou en chemin de fer, quand la voiture était embarquée, ne modifiait en rien les conditions de l’éclosion. Il est juste d’ajouter qu’au colombier mobile les pigeons couvent avec la même régularité mie leurs congénères des colombiers ordinaires.