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d’exploitation n’est pas moins nécessaire : on est encore, sur les placers sibériens, à peine sorti de la « période héroïque », suivant l’expression d’un ingénieur qui les a beaucoup étudiés, M. Levat, c’est-à-dire que, si l’on n’en est plus, en général, à l’emploi de la bâtée qui ne permet de laver que 250 litres d’alluvion par jour, les appareils qu’on emploie sont cependant très primitifs et ne permettent de traiter que les parties les plus riches des placers. On arrache ainsi les « yeux de la mine », comme disent les Anglais, puis on va s’établir ailleurs, et il est souvent très difficile, même à une exploitation rationnelle, de reprendre les travaux pour extraire avec fruit les parties moins riches d’un placer écrémé. Les roches aurifères sibériennes n’ont, en effet, été désagrégées qu’à une époque géologique récente ; les vallées n’ont pas eu le temps de s’approfondir, depuis le dépôt des alluvions, en sorte que celles-ci se trouvent dans des fonds, recouvertes par des terrains tourbeux, marécageux, au lieu d’être sur le flanc des montagnes, comme en Californie, où d’énergiques érosions ont abaissé le niveau des vallées depuis leur formation. L’exploitation est donc plus coûteuse, elle nécessite l’enlèvement en grande quantité des couches superficielles stériles et le transport de ces débris à une grande distance sur les côtés ou en aval. S’il faut refaire toute une installation pour un gisement dont les meilleures parties ont été enlevées, les frais seront souvent hors de proportion avec le résultat à en attendre, et on renoncera définitivement à exploiter le placer. C’est ainsi que beaucoup de mines sibériennes des bassins de l’Obi et de l’Iénisséi ont été épuisées et que le centre de l’industrie s’est transporté dans les bassins de l’Amour et de la Lena, malgré les difficultés opposées à l’exploitation par le gel perpétuel du sol jusqu’à vingt mètres de profondeur, malgré la brièveté de la saison de travail qui ne dure que cent à cent vingt jours, malgré l’énormité des frais de transport et l’élévation des salaires qui atteignent 4 francs par jour, sur les placers de l’Olekma (affluent de la Lena), au lieu de 2 francs sur l’Iénisséi et de 50 centimes aux environs de Sémipalatinsk, où l’on emploie des ouvriers kirghizes. Des progrès notables s’accomplissent depuis plusieurs années dans ces régions où l’exploitation se trouve entre les mains, non plus de petites associations ou de chercheurs individuels, mais de compagnies importantes où sont engagés les capitaux des grands commerçans sibériens, en général très riches, et même souvent de maisons russes. La plus