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qu’il faut importer d’Europe en Sibérie, et surtout du thé qui vient de Chine en Russie par voie de terre et traverse tout le pays du marché frontière de Kiakhta à l’Oural sur plus de trois mille kilomètres. Ce seul trafic du thé, qui porte chaque année sur vingt à vingt-cinq mille tonnes et se fait par de petits chariots ou des traîneaux que tire un seul cheval, constitue la principale ressource de tous les riverains de la grande route postale et commerciale qui va de l’Oural au lac Baïkal et bifurque ensuite sur la frontière de Chine et le fleuve Amour. Voyageurs, émigrans, condamnés, marchandises, tout passe par cette route, et les importans revenus, aisément gagnés, qu’en tirent les paysans, ont encore contribué à accentuer leurs habitudes de nonchalance et de paresse ; aussi voient-ils d’un fort mauvais œil l’avancement du chemin de fer qui va les forcer à se mettre sérieusement au travail des champs. Autour des villages qui se succèdent tous les vingt à trente kilomètres, les cultures n’ont pas aujourd’hui à beaucoup près l’étendue que paraîtrait comporter le nombre des habitans. Les champs d’avoine prédominent, et les chevaux, petits et laids, mais robustes, sont très nombreux : il y a, pour 100 habitans, 80 chevaux dans le gouvernement de Tomsk, 90 dans ceux de l’Iénisséi et d’Irkoutsk, alors qu’il y en a seulement 7 en France et 22 aux Etats-Unis ; l’Asie centrale russe et surtout la République Argentine, qui compte 112 chevaux pour 100 habitans, sont seules mieux pourvues à ce point de vue que la Sibérie.

Les autres animaux domestiques abondent aussi, quoique les bœufs ne soient employés ni comme bêtes de labour, ni comme bêtes de trait, et que les Russes, en Asie comme en Europe, fassent très rarement de l’élevage leur occupation principale. Il y a cependant, suivant les régions, 60 à 80 têtes de gros bétail par 100 habitans, ce qui fait au moins trois par ménage. Les moutons sont, au contraire, peu nombreux, et la rigueur du climat leur paraît peu favorable ; en ce qui concerne l’espèce bovine, il y a d’immenses étendues de pâturages, dans les steppes du sud-ouest et en Transbaïkalie, qui conviendraient merveilleusement à son élevage sur une grande échelle ; mais les Kirghizes, d’une part, et les Bouriates, de l’autre, sont les seuls à le pratiquer. J’ai croisé, peu après Tchéliabinsk, un train rempli de bétail se rendant à Saint-Pétersbourg, et l’on exporte en Russie et même en Allemagne du beurre venant de ces steppes. Les ressources pastorales de la Sibérie, comme ses richesses agricoles paraissent