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marché de Tomsk durant la période de vingt-cinq ans qui s’étend de 1870 à 1894 sont sextuples des cours les plus bas ; ces prix sont, il est vrai, exprimés en roubles, dont la valeur a changé pendant ce temps, mais sans que l’amplitude des variations dépassât 50 pour 100.

Les terres vierges sont, sans doute, en si grande quantité en Sibérie qu’il est encore aisé aux paysans de se déplacer pour en trouver lorsque leurs anciens champs s’épuisent. Ils ne s’en font pas faute, mais ce système ne saurait continuer longtemps, en présence du développement que prend la colonisation, et il faudra de toute nécessité avoir recours à des méthodes d’exploitation moins barbares ; aujourd’hui, la culture n’est devenue un peu intensive que dans le gouvernement de Tobolsk, vers la limite nord de la zone agricole, en des régions déjà anciennement peuplées et de climat peu favorable ; mais on a déjà pu constater que le prix des grains y était notablement moins variable qu’ailleurs, ce qui est une conséquence de la plus grande régularité des récoltes. Le jour où l’on se résoudra à adopter un système d’agriculture en conformité avec les progrès modernes et des outils un peu perfectionnés qui permettront d’atteindre partout le sous-sol vierge, sous les couches superficielles souvent épuisées, les magnifiques terres à céréales qui abondent en Sibérie montreront qu’elles peuvent produire bien autre chose que les 50 millions d’hectolitres de grains qu’on y recueille aujourd’hui[1]. Si l’on songe que presque toute la population vit dans les campagnes et que le climat ne permet guère d’autre culture que celle des céréales et de la pomme de terre, la production de la Sibérie paraît, certes, assez faible.

Deux raisons principales suffisent à l’expliquer : en premier lieu, l’impossibilité de tirer parti de l’excédent des récoltes en présence de l’insuffisance des moyens de communication, en second lieu l’existence, pour une très grande portion des paysans, d’une source de revenus toute spéciale, étrangère à l’exploitation du sol : le service des transports de tous les produits manufacturés.

  1. En 1894, année de lionne récolte, la production totale des céréales avait atteint un peu plus de 48 millions d’hectolitres, dont 302 00000 dans les deux gouvernemens réunis de Tobolsk et Tomsk (Sibérie occidentale) ; 5 800 000 dans le gouvernement de l’Iénisséi ; 4 500 000 dans celui d’Irkoutsk et moins de 2 millions dans les provinces orientales. Le froment, presque toujours semé au printemps, et l’avoine, formaient chacun 30 pour 100 ; le seigle d’hiver 20 pour 100 de la production totale que complétaient le seigle de printemps, l’orge, etc.