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attelés de chiens et suivis de nombreux troupeaux de rennes. Il est clair, toutefois, que l’homme blanc ne saurait s’accommoder de pareilles conditions d’existence et, au point de vue de la colonisation, il faut distinguer entre les diverses parties de la Sibérie. On l’a assez justement divisée en trois zones qui sont, en allant du nord au sud, la zone des toundras, la zone des grandes forêts et la zone agricole ; dans l’ouest et le centre, on trouve encore au sud de cette dernière la région des steppes et celle des montagnes de l’Altaï et du Sayan, qui présentent des caractères spéciaux. On ne peut prétendre placer de ligne de démarcation exacte entre ces diverses zones, car c’est graduellement que la transition s’opère de l’une à l’autre ; mais on peut dire, en thèse générale, que toutes les terres situées au nord du 63e et du 64e degré de latitude sont dépourvues de végétation arborescente, couvertes seulement de mousses et de lichens ; le sous-sol y est éternellement gelé et ne dégèle en été qu’à une faible profondeur, ce qui transforme alors presque tout le pays en un vaste marécage ; les rivières sont couvertes de glace pendant huit à neuf mois de l’année, et toute tentative de culture est radicalement impossible. A la limite sud-ouest de cette zone, à Beriozof, sur l’Obi, la température moyenne de l’année est de 5 degrés au-dessous de zéro, celle de l’hiver de — 23° ; la moyenne de l’été atteint encore 13°, 5 et celle du mois le plus chaud 18°, ce qui est presque autant que juillet à Paris, mais la chaleur est de trop courte durée pour pouvoir produire aucun effet utile ; plus à l’est le climat devient rapidement beaucoup plus sévère, et à Verkhoïansk, village situé dans le territoire d’Iakoutsk par 67° de latitude, on atteint l’un des pôles du froid de notre hémisphère : la moyenne de l’année entière y est de — 17°, celle des trois mois d’hiver de — 47°, celle de janvier de — 49° centigrades ; il s’agit ici de moyenne de température ; quant au minimum absolu observé, il est de 68° au-dessous de zéro. Ce qui caractérise cet effroyable climat, c’est qu’à l’extrême froid de l’hiver succède un été très court, mais relativement chaud : la moyenne des lectures thermométriques pendant cette saison est de 13° et atteint 15° pour le mois de juillet, durant lequel on peut voir le mercure s’élever à plus de 25° à l’ombre. C’est là le type le plus net des climats continentaux ; la différence des températures entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid est de 64 degrés, à peu près quadruple de ce qu’elle est à Paris. Ce qui est encore