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modérant ou accélérant son allure suivant les péripéties de la seconde.

Le roi de Prusse fut convié à s’annexer au traité, par l’Autriche sèchement, par l’Angleterre vivement, par la France violemment. « Après tout, disait notre ambassadeur Moustier, nous préférerions vous voir franchement alliés à la Russie, parce qu’alors les positions seraient nettes et le champ de bataille tout à fait indiqué. » Le cabinet autrichien demanda à Berlin plus que l’annexion au traité : la mobilisation, en vue de la nécessité, peut-être prochaine, de passer à l’offensive. Le roi de Prusse, inébranlable, répondit à l’invitation des puissances qu’il attendait de connaître l’interprétation donnée aux quatre points (5 janvier 1855). Quant à la demande de mobiliser, il la rejeta avec indignation. « L’idée d’une attitude offensive contre la Russie l’avait sérieusement blessé. L’Autriche le trouverait prêt à la défensive, jamais à l’offensive. » Sous son influence, la Diète, à laquelle l’invitation de mobiliser avait été également transmise, s’y refusa ; elle n’accorda que la mise sur pied de guerre des contingens fédéraux, en vertu de l’article 2 du pacte fédéral, et non en vertu du traité du 20 avril, dont l’objet lui paraissait atteint (8 février). « Prenez garde, dit Moustier à Bismarck, de passage à Berlin, que cette politique du Roi ne vous conduise à Iéna. — Pourquoi pas, riposta Bismarck, à Leipzig ou à Waterloo ? »

On punit le roi de Prusse en le mettant à la porte de la nouvelle conférence. On lui dit que la première à laquelle il avait participé était dissoute, qu’il ne serait admis à celle-ci que s’il adhérait d’abord au traité.


IV

Ainsi donc, avant même le triomphe définitif de nos armes l’Empereur Napoléon avait atteint le résultat pratique cherché dans la guerre de Crimée : la Sainte-Alliance était rompue, l’Autriche, dans des relations aigres avec la Prusse, avait allumé au cœur de la Russie un violent désir de vengeance. Napoléon III avait été aussi habile et aussi heureux dans les négociations pendant la guerre que dans celles qui l’avaient amenée. Il revint alors à l’idée qu’il n’avait jamais abandonnée, de pousser le Piémont en avant. Le traité du 2 décembre, par lequel l’Autriche avait adhéré, dans une mesure qu’on ignorait, à l’alliance