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le foie à la suite des hémorragies profuses. Elle augmente au contraire, dans toutes les circonstances où il peut arriver au foie de la matière colorante sanguine, lorsque, par exemple, un poison, un virus ou une substance étrangère a détruit dans les vaisseaux mêmes une partie des globules sanguins.

Mais cette relation entre le fer du foie et l’évolution du sang rouge n’est qu’une face du phénomène et ne représente qu’un aspect du rôle biologique du fer. L’étude des invertébrés l’a montré avec évidence. La plupart de ces animaux, les mollusques, les crustacés, n’ont pas en effet de sang rouge ; ils n’ont pas de sang véritable, suivant l’opinion vulgaire qui ne peut concevoir cette liqueur qu’avec les caractères qu’on lui voit chez les animaux supérieurs. Aristote lui-même a raisonné ainsi, et il faisait des invertébrés le groupe des « animaux dépourvus de sang ». C’est là une erreur physiologique, non seulement de fait, mais de doctrine, car le sang ne saurait faire défaut. Les invertébrés ont un sang lymphatique, dépourvu le plus souvent de couleur et par conséquent de fer. Mais leur corps n’en est pas dépourvu pour cela ; leur foie en est presque aussi abondamment chargé que celui des vertébrés. Les analyses ont montré que le foie du homard, de l’écrevisse, de la langouste étaient riches en fer et cela à l’exclusion des autres organes. Chez le poulpe vulgaire, la seiche, le calmar, le foie contient vingt-cinq fois plus de fer à poids égal que le reste du corps. La même chose est vraie, au degré près, chez les Lamellibranches et les Gastéropodes, chez l’huître, chez la coquille de Saint-Jacques, chez l’escargot et chez le buccin. C’est un fait général. La faculté de fixation élective que le foie possède pour le fer, il ne la possède pas pour d’autres métaux, et par exemple pour le cuivre qui précisément remplace le fer dans le sang de quelques-uns de ces animaux, de telle sorte que le foie se distingue des autres organes au point de vue du fer et que le fer se distingue des autres métaux au point de vue du foie. Le métal du foie est indépendant de celui du sang.

C’est donc une condition universelle du foie, chez tous les animaux, de fixer le fer, d’être l’organe ferrugineux par excellence. Le sang passe dès lors au second plan, puisqu’il n’est riche en fer que chez les seuls vertébrés, c’est-à-dire à peine dans l’une des deux moitiés du règne animal. Et, là même, on aperçoit à des signes nombreux que le métal de l’organe hépatique n’est pas tout entier destiné au sang et ne vient pas tout entier de lui. Le fer