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Fr. Hofmann en fit une espèce nosologique distincte, — on s’était convaincu cependant du soulagement que peut leur apporter la médication martiale.

La chlorose, connue très anciennement sous le nom de « pâles couleurs », « fièvre d’amour », est une maladie presque aussi fréquente à la campagne qu’à la ville, chez les riches que chez les pauvres. Elle est l’apanage à peu près exclusif du sexe féminin ; on a peine en effet, dit Trousseau, à trouver un jeune garçon chlorotique. Le trait qui révèle la maladie au premier coup d’œil, c’est la pâleur du teint, qui est d’un jaune verdâtre comme la cire vieillie ; les lèvres, les gencives, les paupières sont exsangues et décolorées. Cette maladie, dans l’opinion commune, serait liée à une trop grande effervescence ou à une perversion des passions de l’adolescence ou au chagrin d’un amour non satisfait.


Pulleat omnis amans, hic est color aptus amanti.


Dans le cortège de ses symptômes l’irrégularité des fonctions spéciales avait surtout frappé les vieux auteurs, Galien et Paul d’Egine ; deux autres symptômes, la langueur exprimée dans les noms de « fièvre blanche, » « fièvre lasse », « fièvre de langueur », et en second lieu l’insomnie, avaient également fixé l’attention des anciens médecins. Les observateurs modernes ont été plus attentifs aux troubles de la circulation, au souffle qui se fait entendre dans le cœur et dans les vaisseaux, aux battemens désordonnés, aux oppressions et aux palpitations, qui traduisent la diminution de quantité du sang et la viduité relative de l’appareil circulatoire : tableau symptomatique tout à fait semblable aux suites des grandes pertes de sang. Sydenham, frappé des troubles nerveux qui lui font cortège, rangeait la chlorose parmi les formes de l’hystérie. La plupart de ces traits sont résumés dans ces quelques lignes d’un médecin du XVIe siècle, Jean Aubery : « La passion d’amour est un chaisnon dans lequel sont bouclés et entrelacés par mutuelles étreintes plusieurs accidens se rapportant à une même cause, laquelle ne peut être longuement sans leur suite, l’amaigrissement du corps, la couleur pâle, les soupirs, les veilles, le refroidissement des parties externes et l’embrasement des internes, les pleurs, les songes, les pensées, le silence, la solitude et l’extase. » Le remède qu’il appartient à l’entourage de la malade et à ceux qui ont autorité sur elle de lui appliquer est sans doute celui qui a été préconisé par saint