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commencé mon mouvement sur Frasnes aussitôt que mes divisions auraient été sous les armes, mais d’après un rapport du général Girard, qui signale deux masses ennemies de six bataillons chacune, venant par la route de Namur et dont la tête est à Saint-Amand, je tiendrai mes troupes prêtes à marcher en attendant vos ordres. Comme ils pourront me parvenir très vite, il n’y aura que très peu de temps de perdu. »

Ce « très peu de temps de perdu », c’était deux heures de retard. Reille ne mit ses troupes en marche qu’à la réception de l’ordre de Ney, c’est-à-dire au plus tôt vers midi. Sa tête de colonne n’arriva guère à Frasnes avant 1 heure et demie. En vain, dans l’intervalle, Ney avait reçu une nouvelle lettre du major général réitérant les premières instructions. Avec un seul bataillon et les lanciers et chasseurs de la garde, il était contraint d’attendre l’infanterie de Reille pour se porter en avant. D’ailleurs, il pensait avoir tout le temps de s’établir aux Quatre-Bras, car il continuait de croire que l’ennemi, peu nombreux, n’y ferait pas grande résistance.

Le prince d’Orange, il est vrai, n’avait encore que la division Perponcher : 7 800 baïonnettes et 16 bouches à feu[1]. Mais, pénétré de l’importance stratégique des Quatre-Bras et confiant en la parole de Wellington, il était déterminé à tenir coûte que coûte jusqu’à l’arrivée de l’armée anglaise.

La position était favorable à la défense. Le hameau des Quatre-Bras, groupe de trois grosses fermes et de deux maisons situées au croisement des routes de Charleroi à Bruxelles et de Namur à Nivelles, domine alentour les ondulations multiples du terrain. A l’est, la route de Namur, en remblai, forme une tranchée-abri en avant de laquelle s’élève comme une redoute la ferme de Piraumont. Au sud-ouest, l’accès des Quatre-Bras est protégé par la ferme de Pierrepont et le bois-taillis de Bossu qui s’étend, l’espace de 3 000 mètres, à gauche de la route de Charleroi[2]. Enfin, dans un fond, à une demi-lieue au sud du hameau, la grosse ferme de Gémioncourt, construite tout près de la route, constitue un autre ouvrage avancé.

Bien qu’une division de moins de 8000 hommes fût

  1. A midi, Perponcher n’avait même que 7 000 hommes, car le 7e bataillon de ligne n’arriva de Nivelles qu’entre 2 heures et 2 heures et demie.
  2. Ce bois a été défriché ainsi que le bois de la Hutte, qui s’étendait à 1 200 mètres à droite de la route, entre Frasnes et Villers-Perwin.