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tirailleurs ont replié les avant-postes français sur la lisière du bois de la Hutte. Le feu, il est vrai, a cessé après cette escarmouche et n’a point repris, mais l’ensemble des dispositions de l’ennemi fait néanmoins présumer son intention de tenir aux Quatre-Bras. Ney n’en croit rien. Ce ne sont que vaines démonstrations pour imposer aux Français et préparer une retraite. Tout au plus « on aura affaire à cette poignée d’Allemands qui ont été sabrés hier. »

Le maréchal en est si convaincu que, vers 11 heures, quand Flahaut lui apporte la lettre de l’Empereur qui prescrit de prendre position aux Quatre-Bras et en avant des Quatre-Bras[1], il dicte sans hésiter cet ordre : « Le 2e corps se mettra tout de suite en marche pour aller prendre position : la 3e division en arrière de Genappe sur les hauteurs : la 9e division en seconde ligne, à droite et à gauche de Bauterlez ; les 6e et 7e divisions à l’embranchement des Quatre-Bras. Les trois premières divisions du comte d’Erlon prendront position à Frasnes. La division de droite s’établira à Marbais avec la 2e division de cavalerie. La 1re division de cavalerie couvrira notre marche et nous éclairera sur Bruxelles et sur nos flancs. Les deux divisions du comte de Valmy s’établiront à Frasnes et à Liberchies. La division de la cavalerie de la garde restera dans sa position actuelle de Frasnes. » Ce n’est pas là un dispositif de combat ; c’est un simple ordre de marche. La pensée de Ney s’y révèle clairement. Il compte occuper les Quatre-Bras sans coup férir, au pis-aller après une très courte résistance. Ses instructions sont la transcription même des ordres de l’Empereur. Comme Napoléon, il s’imagine que la route de Bruxelles est libre. Mais lui, est sur le terrain !

Pour comble, Ney, qui sert mal l’Empereur, est mal servi par Reille. Il a enjoint à ce général d’exécuter sur-le-champ les ordres de l’Empereur qu’il pourrait recevoir. Or, quand Flahaut passe à 10 heures à Gosselies et communique à Reille les instructions dont il est porteur, celui-ci, troublé par un rapport du général Girard, croit devoir attendre pour mettre ses troupes en marche un ordre positif de Ney. « Le général Flahaut, écrit-il au maréchal, m’a fait part des ordres qu’il vous portait. J’aurais

  1. Remarquons, en passant, que le général Flabaut, parti de Charleroi vers 8 heures, ne s’était guère pressé ; il avait fait tranquillement, sur un cheval frais, ses 6 600 mètres à l’heure !