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À l’aile droite, la cavalerie de Grouchy occupe Tongrinelle et l’infanterie de Hulot attaque vigoureusement Potriaux. Dans la fournaise de Ligny, les bataillons de braves fondent comme l’or au creuset. Gérard s’y est jeté avec sa dernière réserve, la deuxième brigade de Vichery. Blücher y a fait relever la division Heuckel par la plus grosse fraction de la division Krafft. Prussiens et Français passent et repassent tour à tour le ruisseau. On combat toujours avec la même rage, pour la possession de l’église, du cimetière, de la ferme d’En-Bas et du château des comtes de Looz, où malgré l’incendie qui les gagne tiennent intrépidement deux compagnies de tirailleurs silésiens. Des soldats tombent d’épuisement. Krafft n’a plus l’espoir de résister longtemps. Il fait dire à Gneisenau que lui et Jagow vont être cernés dans Ligny. « Tenez encore une demi-heure, répond Gneisenau, l’armée anglaise approche. » Illusion ou mensonge ! car Blücher va recevoir ou a déjà reçu une dépêche de Müffling qui l’informe que Wellington, aux prises avec tout un corps d’armée, ne pourra pas lui envoyer un seul escadron.

Rien n’abat l’âme intrépide de Blücher. Si la lettre de Müffling contient « une nouvelle désagréable », selon l’expression de Grolemann, elle lui apprend du moins que Napoléon n’a pas toute son armée avec lui, comme il le croyait, et lui donne l’assurance de n’être point pris à revers, puisque Wellington contient le corps français détaché sur la route de Bruxelles. Il reçoit simultanément un avis de Pirch II et un avis de Thielmann annonçant que l’attaque des Français semble mollir vers la Haie et dans Potriaux. Après s’être porté en avant, une partie de la vieille garde a rétrogradé. Cette contremarche qui a été vue du moulin de Winter semble indiquer au moins de l’hésitation chez l’Empereur. Il est 7 heures ; c’est le moment d’agir si l’on ne veut laisser échapper la victoire. Blücher y a encore foi. Il se cramponne à l’idée de gagner la bataille à lui tout seul, en rejetant la gauche française sur le centre. Pour cela, il suffit que ses lieutenans conservent Ligny. Lui, se chargera du reste. Il fait avancer ses dernières réserves, sauf deux bataillons qu’il poste à Brye et près du moulin. Il envoie à Ligny pour renforcer Jagow et Krafft quatre bataillons de Langen et mande à Thielmann d’y porter aussi la division Stülpnagel. Puis, prenant avec lui les trois autres bataillons de Langen et les débris de la division Steinmetz qui s’est retirée en seconde ligne vers 5 heures du soir, l’ardent vieillard (il avait