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une lettre de Bülow annonçant que ses troupes ne pourraient être rassemblées à Hanut (42 kilomètres de Sombreffe) qu’au milieu de la journée. C’étaient 30 000 baïonnettes qui allaient manquer à Blücher. Il était déterminé à accepter quand même la bataille, comptant d’ailleurs sur la coopération plus ou moins prompte, plus ou moins active, de l’armée anglo-néerlandaise. Les deux généraux en chef n’avaient-ils pas convenu le 3 mai, à Tirlemont, de se porter mutuellement appui si Napoléon prenait l’offensive ? et Wellington ne venait-il pas de dire (le 13 juin, dans la soirée) au colonel de Pfüell, envoyé par Blücher : « Mon armée sera concentrée à Nivelles ou aux Quatre-Bras, selon les circonstances, vingt-deux heures après le premier coup de canon ? »

Il y avait un peu de diplomatie dans les promesses de Wellington. La retraite de Blücher sur Liège eût laissé l’armée anglaise seule devant Napoléon et l’eût mise dans l’alternative d’accepter la bataille avec une grande infériorité de forces ou de se replier sur sa base d’opérations en livrant Bruxelles aux Français. Il fallait donc que Blücher restât en position, et pour cela il semblait nécessaire à Wellington de lui promettre son appui. Cet appui, d’ailleurs, il espérait bien pouvoir le donner, mais en vrai Anglais, à son heure, à son aise, et sans risquer de compromettre pour la cause commune quoi que ce fût de la sûreté de son armée. Or, le mouvement offensif des Français vers Charleroi n’était-il pas une simple démonstration destinée à attirer de ce côté les masses anglo-prussiennes ? L’Empereur n’allait-il pas au même moment se porter sur Bruxelles, de Maubeuge par Mons ou de Condé par Ath, avec le gros de son armée ? Wellington le craignait, et de peur d’être entraîné à une fausse manœuvre, il ne voulait faire bouger ni un homme ni un canon avant d’être absolument certain du point précis où Napoléon dirigerait sa principale attaque.

En vain, les 12, 13 et 14 juin, de nombreux avis de la concentration de l’armée française sur la frontière étaient arrivés au quartier général de Bruxelles ; en vain le 15, dès 8 heures du matin, Wellington avait appris par une lettre de Ziéten que les avant-postes prussiens avaient été attaqués au point du jour. Ce jour-là, à 3 heures de l’après-midi, il n’avait encore donné aucun ordre. Müffling, commissaire prussien près le quartier général anglais, ayant reçu alors personnellement une lettre de Ziéten confirmant les premiers renseignemens, s’empressa de la