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lutte qui va s’ouvrir ne modifiera probablement pas beaucoup la composition du personnel politique ; mais les mêmes personnes pourraient revenir avec le ferme propos de ne pas retomber dans l’ornière du passé. Nous avons dit les maux qui ont pesé sur la Chambre actuelle, et qui, malgré sa bonne volonté, l’ont condamnée à ne faire qu’une très petite partie de la tâche qui lui avait été assignée. La Chambre prochaine sera-t-elle plus heureuse ? Cela dépendra d’elle en très grande partie. Il faut lui souhaiter pourtant un ministère qui ressemble plus à celui qui termine sa législature qu’à ceux qui l’avaient ouverte, ne fût-ce qu’en un point. M. Méline désirait durer et il a duré. Il a eu assez de confiance en lui pour en inspirer aux autres. Il ne s’est pas découragé un seul instant, et il a fait front à tous les assauts qu’on lui a livrés. La volonté de vivre est la première qualité d’un gouvernement, et peut-être le premier de ses devoirs.

Nous souhaitons aussi très vivement à la prochaine législature d’être débarrassée de deux questions dont l’opinion publique paraît bien fatiguée, la question de Panama, et celle qu’on ne peut appeler que la question Dreyfus. La première est comme un volcan qui jette ses dernières scories : elle n’a plus de mystères en réserve. On ne peut pas en dire tout à fait autant de l’autre : bien des points en restent obscurs. Loin de nous la pensée de reprocher aux deux, ou même aux trois conseils de guerre qui ont eu à la traiter, d’avoir presque constamment ordonné le huis-clos ! Les intérêts qui se rapportent à la défense nationale doivent passer avant tous les autres. Nous disons seulement que si le huis-clos a des avantages, il a aussi quelques inconvéniens. Les esprits, qui ne sont pas suffisamment éclairés, travaillent sur eux-mêmes dans l’ombre et se créent mille chimères. C’est probablement l’histoire de ceux qui ont soulevé de nouveau cette malheureuse affaire, et qui l’ont imposée aux préoccupations du public. Nous reviendrons sur leur cas. Il faut dire avant tout, ou plutôt il faut répéter qu’il y a chose jugée, non pas une fois, mais deux fois, mais trois fois, et qu’aucune société humaine n’est possible sans le respect de la chose jugée. La loi a prévu les circonstances dans lesquelles la révision d’un procès pourrait être demandée. On a pu croire un moment qu’une de ces circonstances se produirait ; il est difficile de conserver aujourd’hui cette illusion. Dès lors, que voyons-nous ? Une campagne passionnée, violente, où les coups ne sont plus ménagés, qui met en cause notre armée elle-même dans la personne de ses chefs, et quelquefois dans les détails les plus intimes, les plus secrets de son