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pouvait le dire ; — et, s’il avait su plus habilement s’y prendre, il pouvait même nous obliger de le dire ; — mais il ne pouvait pas nous le faire dire par d’autres.

Voilà du moins un point bien acquis désormais.

On notera qu’il a son importance, et qu’elle est plus grande qu’on ne croirait d’abord, si, dans la réalité, le seul moyen efficace qu’il y ait de répondre aux jugemens d’un critique, c’est de leur opposer, pour les contrepeser, les jugemens d’un autre critique. « Vous dites que mon théâtre est « du fichu théâtre » ; mais il me suffit de voir que d’autres en font cas ; et j’invite le public à juger entre ces autres et vous. » M. Dubout l’avait parfaitement senti, c’est la seule réponse qu’un auteur puisse utilement opposer à la critique ; la seule qui soit de nature à inquiéter le critique sur la qualité de son jugement ou de ses impressions ; la seule enfin qui soit capable d’émouvoir, sinon de retourner l’opinion ; — et c’est justement celle que le tribunal de la Seine a interdite à M. Dubout.

Nous trouvera-t-on, après cela, bien difficile à contenter si nous disons que le jugement du tribunal ne nous a pas entièrement satisfait ? Assurément nous ne pouvions pas l’espérer plus conforme au bon sens et à l’équité. Le principe du droit de réponse étant posé, le tribunal ne pouvait décider, et n’a décidé qu’une question de fait. Mais, en déclarant que « la réponse » de M. Dubout n’en était pas une, il a déclaré par-là même qu’avec un peu d’adresse M. Dubout eût été recevable à nous faire insérer « une réponse ». C’est ce que nous persistons, pour notre part, à ne pas admettre ; et si l’on nous dit que telle est la loi, ce qui n’est pas évident à nos yeux, en ce cas c’est la loi que nous demandons que l’on change.

Le texte en est ainsi conçu :

Le gérant sera tenu d’insérer, dans les trois jours de leur réception, ou dans le plus prochain numéro, s’il n’en était pas publié avant l’expiration des trois jours, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique, sous peine d’une amende de 50 à 500 francs, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée.

Elle sera gratuite lorsque les réponses ne dépasseront pas le double de la longueur dudit article…

Il y aurait lieu là-dessus défaire observer, et j’ai fait observer que ce texte, qui est celui de l’article treizième de la loi de 1881 sur la Presse, n’est que la pure et simple reproduction de l’article onzième