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« Je servais dans la même armée, en qualité d’aide-maréchal des logis. Le général jugea à propos que j’allasse avec M. de Vault examiner la possibilité de l’entreprise. Il avait imaginé qu’on pourrait introduire des troupes dans la place le long du Mein, et que des officiers et des sergens, à la faveur d’un déguisement, s’empareraient d’une porte. Après avoir examiné le local, nous ne jugeâmes pas le moyen aussi praticable que celui de faire passer un de nos bataillons par la ville avec la permission du magistrat, et de lui faire faire halte dès qu’il serait entré, pour donner le temps à d’autres troupes de le joindre et se trouver par-là en force et maître de la ville. Cette manière de s’en emparer, ayant paru plus simple que toute autre, fut adoptée par M. le prince de Soubise, et ce fut d’après ce plan que l’entreprise fut arrêtée. L’exécution en fut confiée à M. le baron de Wurmser, et je lui fus adjoint. »

Pour mieux assurer la réussite, Thorenc se mit le 1er janvier, c’est-à-dire la veille, à la tête d’un corps de troupes qui défila à travers la ville. Il put ainsi observer les mesures de sûreté qu’on avait l’habitude de prendre aux portes et sur les remparts. C’est ce détachement que les Francfortois, à qui le jour de l’an faisait des loisirs, s’étaient amusés à voir passer. En conséquence des observations prises, l’état-major prépara la journée du lendemain. Thorenc rédigea lui-même les instructions pour les troupes. Nous avons ces instructions, qui sont d’une parfaite précision, et où tout, jusqu’au dernier détail, est prévu et ordonné.

Néanmoins, en cette journée du 2 janvier, on fut tout près d’une collision sanglante ; Thorenc, par sa présence d’esprit, par la rapidité des opérations, prévint un conflit qui eût changé tout le caractère de l’entreprise.

Ici nous ne pouvons nous empêcher de placer une réflexion. On peut trouver qu’à l’égard de la loyauté et du droit des gens, cette surprise d’une ville neutre laisse à désirer.

La responsabilité en remonte au prince de Soubise, et plus haut encore, au ministre de la guerre, le maréchal de Belle-Isle, qui, dès le mois de janvier de l’année précédente, avait commandé l’occupation de Francfort. Thorenc, en tout ceci, n’a fait qu’exécuter avec promptitude et décision les ordres qu’il avait reçus. J’ajouterai toutefois une réflexion de l’excellent M. Schubart : « Il est bien superflu, pense-t-il, de se mettre en frais d’indignation. Les Français avaient besoin de quartiers d’hiver : ils