Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il serait trop long de reproduire le récit de notre voyageur, qui passa successivement par tous les degrés de la joie en retrouvant dans ces deux maisons, dont l’une avait appartenu à Thorano et l’autre à son frère, les œuvres des artistes francfortois. Quoique tout cela eût un peu noirci, les scènes de mythologie et d’histoire se distinguaient encore ; Seekatz, Trautmann, Schütz, Junker, Hirth, tous les maîtres nommés chez Gœthe se retrouvaient. Les miracles, les incendies, les paysages, l’histoire de Joseph, tout y était. Plus de cent toiles ! Je passe sur les émotions de cette scène de reconnaissance. Mais, ce qui est plus intéressant pour nous, M. Martin Schubart apprit que les papiers de Thorane étaient conservés dans un château situé non loin de Grasse, au château de Sartoux, où habitaient les derniers représentans de la famille. Car le comte de Thorane n’était pas mort aux colonies, comme Gœthe l’avait entendu raconter. Revenu de la Guadeloupe, il avait habité sa ville natale, et, quoique déjà d’un certain âge, il y avait pris femme. Sa fille, mariée à un ministre de Charles-Albert, roi de Sardaigne, était morte sans enfans ; elle avait eu pour héritière une nièce qui habitait ce château.

On pense bien qu’il n’était plus question de s’arrêter en si beau chemin. Introduit auprès des habitans du château, M. Schubart put consulter les papiers et les documens. Il put même s’en rendre acquéreur, ainsi que de quelques tableaux, et transporter son trésor à Munich. A l’aide de tout cela, il a composé un livre amusant, intéressant, neuf à certains égards, dont Gœthe est naturellement la figure principale[1].

C’est la figure de l’officier qui, à la lecture de ce livre, a attiré surtout ma curiosité. J’ai pensé qu’il y avait là un représentant de notre ancienne armée qui méritait d’être connu dans son pays et pour lui-même. Je m’adressai à M. Schubart ; celui-ci, avec une entière bonne grâce, mit à ma disposition les documens dont il était possesseur.

Je vais donc, m’aidant du livre du savant allemand, et puisant dans les papiers du comte, essayer de montrer ce que nous pouvons encore apercevoir de cette silhouette militaire.

  1. François de Théas, comte de Thorane. Gœthes Königslieutenant, par Martin Schubart ; Munich, 1896. Bruckmann. 1 vol. orné de photogravures.