Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Orient s’est dévoilé, l’Orient a laissé paraître — Une rougeur ; elle meurt, elle revit : elle meurt avant que l’Occident — Ait pu la voir : non, elle reste, elle dure : — Attention, doux ciel ! C’est l’Aurore ! Puis une vision de flamme à travers cette vision de rose se déroule — Et monte jusqu’au zénith ; c’est un dôme d’or mat — De la forme d’une ruche, qui s’élève de la mer : — La ruche est d’or mat, mais oh ! l’Abeille, — L’Abeille nourrie d’étoiles, l’Abeille faite de feu, — Tout en or éblouissant est la grande Abeille, le soleil — Qui va venir projeter ses rayons de la ruche sur la mer.

Et maintenant la rosée et le gris du matin — vivront leurs petites vies transparentes et modestes — Jusqu’à ce que leurs âmes s’exhalent à l’approche du soleil ; — Maintenant chaque mignonne sphère de rosée — Contient toute l’image du matin reflétée — Comme dans la grande sphère bleue du ciel ; avec ses autels illuminés, — Argentés jusqu’aux bords lointains de l’Océan, — Le marais apparaît consacré — Au culte du matin. Paix à l’interrègne — De la Vierge Matin, mère suave et bénie, — Dont la pensée tout entière est à la paix, à l’Enfant…

Artisan né dans la pourpre, Chaleur ouvrière, — Toi qui sépares les atomes passionnés qui s’efforcent — Et cherchent à s’entremêler dans la froide mort de l’unité, hôte intime, — Convié au mariage des élémens, compagnon des publicains, — Roi sacré à la blouse de flamme, qui flânes sur nos têtes — Par les cieux paresseux et qui cependant travailles sans cesse, — Toi, qui de la forge du tonnerre et des battemens — D’un cœur d’homme es le grand moteur,… — Artiste, dont la mer là-bas nous montre les travaux, — Dans le vert du rivage et les multiples bleus du large, — L’éclat des perles, les nuances des coquilles et tous les tons — Devant lesquels pâlit le teint des jeunes filles. Le lis et la rose — Confessent ta puissance, et chaque flamme qui brûle — Au sein virginal des pierres scintillantes, — Tout vient de toi, tout vient de toi. — Magicien des orages, soit que tu chasses les vents en tourbillon — Ou que tu fasses voltiger les subtiles essences polaires qui tourbillonnent — Autour de l’aimant de la terre, toi dont le cœur est un ouragan — Déchiré de disputes, bariolé de questions, souvent — Divisé de part en part, et cependant toujours une sphère lumineuse — Toujours l’artiste, toujours trop grand et trop éclatant — Pour l’œil humain : Essence multiple, — Il me faut quitter la face du Soleil : — La vieille misère s’éveille et s’agite, ses rides sont pleines de menaces ; — Le travailleur doit aller à sa besogne dans la terrible ville, — Mais je ne crains pas, non je ne crains pas le plus dur labeur — Je suis fort de la force de mon seigneur le Soleil…

……………………………………

Oh ! jamais la houle de la mer — Du commerce ne pourra te cacher, — Ni la fumée aux teintes d’enfer des usines — Te cacher, — Ni les miasmes de la fange politique du jour — Te cacher. — A travers la nuit mon cœur gardera ton image — Et le jour mon esprit ayant éprouvé ton secours — Travaillera en paix à son art, jusqu’à ce que là-haut, à tes côtés — Mon âme aille flotter, Ami Soleil, — Quand la journée sera faite.


Inspiration inégale sans doute, variations décousues sur un