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REVUE. — CHRONIQUE.

si vives des manifestations de Kiel. Il y aurait sans doute quelque crédulité à se montrer trop confians, mais peut-être y en aurait-il aussi à se montrer trop défians. Rien de ce qui s’est fait jusqu’ici n’a mis nos intérêts en cause, et ne nous oblige à prendre à la hâte des mesures pour les protéger.

Tous les parlemens de l’Europe sont aujourd’hui en vacances, mais ils ne sont pas tous partis dans les mêmes conditions.

Nous avons constaté, en Angleterre, la parfaite tranquillité d’esprit avec laquelle tout le monde politique s’est dispersé.

En France, il en a été à peu près de même, malgré l’approche des élections générales dont la fièvre commence à agiter le pays, et malgré l’état du budget qui a été laissé presque en détresse. Il serait plus juste de parler de la discussion du budget que du budget lui-même. C’est à peine si on est parvenu à voter la moitié, mettons si l’on veut, les deux tiers des dépenses. Depuis longtemps, on n’avait pas été aussi en retard. La responsabilité principale en revient à l’opposition qui a fait de l’obstruction systématique, et s’est appliquée à entasser amendemens sur amendemens, interpellations sur interpellations, pour retarder le vote final. Elle poursuit en cela un double objet, d’abord de réduire la Chambre à l’impuissance, afin de pouvoir l’en accuser devant le pays, et ensuite de reculer autant que possible la date des élections générales. Elle n’a pas encore renoncé à tout espoir de renverser le ministère, mais elle n’en attend plus la réalisation que du temps et des hasards qu’il peut faire naître. Voilà pourquoi elle s’applique à tirer les choses en longueur. Qui sait ? Il arrivera peut-être quelque chose. Pour ne rien négliger, et faire consciencieusement leur métier, les radicaux et les socialistes se sont répandus à travers les départemens, et y improvisent des conférences. Ils sont tous d’accord, bien entendu, pour condamner le ministère actuel, le ministère Méline, qu’ils appelaient hier le ministère du pape, et qu’ils appellent aujourd’hui le ministère du roi ; mais ils ne le sont plus lorsqu’ils parlent les uns des autres. Les radicaux s’appliquent à condamner le programme collectiviste et à démontrer qu’il n’a jamais été le leur ; les collectivistes et les socialistes adressent les plus vifs reproches aux radicaux, et déclarent que M. Bourgeois a manqué, par une criminelle faiblesse, à la confiance qu’on avait mise en lui. C’est peut-être la première fois qu’on voit désunis dans l’opposition des partis qui avaient paru se soutenir au pouvoir ; le contraire arrive plus généralement. On annonce, pour la rentrée de la Chambre, une attaque très