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pousse presque un autre en constatant celle de son armée expéditionnaire. Reste à savoir si tous les deux, après la réforme faite, ne finiront pas par perdre d’un côté ce qu’ils auront gagné de l’autre. L’expérience seule, au bout d’un certain nombre d’années, pourra répondre à cette question d’une manière décisive. La seule chose sûre est que tout change, se modifie, se transforme autour de nous : et ce sera tant mieux pour ceux qui sauront comprendre les circonstances nouvelles, et s’y adapter assez pour s’en bien servir.


Il y a eu, depuis quinze jours, deux crises ministérielles d’une importance très inégale, l’une à Paris et l’autre à Rome.

Chez nous, M. Darlan, ministre de la justice, a été battu au Sénat ; il a aussitôt donné sa démission, a été remplacé par M. Milliard, sénateur, orateur parlementaire et avocat distingué ; aussitôt fait, le mal a été réparé.

En Italie, la crise a commencé par un incident du même genre, mais elle a pris aussitôt une autre tournure. Le général Pelloux, ministre de la guerre, mis en minorité à la Chambre, a donné lui aussi sa démission. L’incident parlementaire n’avait aucune importance ; mais la démission d’un ministre a révélé tout de suite, dans le cabinet, une situation morale que le monde politique connaissait déjà, et qui est apparue bientôt encore plus manifeste. Le cabinet en était venu à l’impossibilité de vivre, tel qu’il était constitué. Il se composait, en effet, d’élémens très disparates, les uns de la droite, les autres de la gauche, que la haute personnalité de M. di Rudini avait maintenus jusqu’à ce jour en équilibre apparent, grâce à un effort continuel qui, en se prolongeant, allait toujours en s’affaiblissant. Certains édifices ne se soutiennent qu’à la condition de n’y pas toucher : si une pierre tombe, tout s’effondre avec elle. C’est ce qui est arrivé au cabinet italien. Il a donné sa démission collective, et M. di Rudini, comme tout le monde s’y attendait et comme il s’y attendait lui-même, a été chargé d’en former un autre. Le nouveau cabinet ne pouvait pas ressembler à l’ancien : à une combinaison épuisée, il fallait en substituer une différente. M. di Rudini s’est cru obligé de faire un ministère de gauche, ou du moins de le tenter tout d’abord. Pour cela, il fallait s’entendre avec M. Zanardelli, président de la Chambre des députés, l’adhésion de M. Zanardelli étant la condition sine qua non de toute combinaison de ce genre. Il y avait aussi, au point de vue européen, un très grand intérêt à conserver M. Visconti-Venosta aux affaires étrangères, et M. Visconti-Venosta, qui ne refusait pas son