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de crédit semblent parfois, eux aussi, n’avoir d’autre préoccupation que de toucher une commission ; et le malheur veut que ces commissions soient d’autant plus fortes que plus faibles sont les garanties présentées par les affaires qu’on offre au public. Ainsi en a-t-il été avec les dernières souscriptions du Panama ; ainsi, avec les emprunts de la Plata et des provinces Argentines, avec ceux du Brésil, de la Grèce, du Portugal. Des établissemens qui auraient dû se montrer plus soucieux de la vérité n’ont pas toujours eu honte de distribuer à leur clientèle des prospectus dont le boniment faisait plus d’honneur à l’imagination qu’à la clairvoyance de leurs directeurs, ouvrant leurs guichets à des émissions suspectes, et les fermant à toute réclamation. On les a vus, trop de fois, se désintéresser des affaires qu’ils avaient patronnées, satisfaits d’avoir encaissé quelques millions de commission. Abusant de ce qu’ils sont affranchis de toute responsabilité matérielle, ils ne paraissent pas toujours comprendre leur responsabilité morale. Ils se lavent les mains des pertes amenées par leur imprudence, se souciant peu d’avoir compromis le pécule des petites gens induits à souscrire des emprunts risqués, ou d’avoir précipité la ruine d’États acculés à la banqueroute par des appels répétés au crédit. Et lorsque ces États prodigues, impuissans à payer les intérêts d’emprunts sans cesse renouvelés, sont contraints de retrancher un quartier de leur dette, trop souvent, les établissemens émetteurs ne se préoccupent que de la dette flottante, c’est-à-dire de la créance des maisons de banque, réclamant pour elles, lors de la faillite des États obérés, une injuste immunité. De pareilles pratiques se rencontrent à l’étranger comme en France ; on ne peut dire qu’elles soient propres à un pays ou à une race. Un fait certain, c’est que, s’il reste, en Europe, des maisons dont le patronage officiel passe encore pour une garantie, c’est, avant tout, dans la haute banque traitée de cosmopolite.


IV

Autre source d’abus, toujours à la naissance des sociétés, car beaucoup ressemblent à ces rivières sorties de marécages, qui sont contaminées dès leur origine. Aux omissions se rattachent les syndicats qui en assurent le succès. Ce nom de syndicats sonne mal, aujourd’hui, aux oreilles de la foule. Elle ignore qu’il