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jeune misogyne est profondément atterré. Il se décide alors à déclarer son amour, mais la jeune fille refuse de l’entendre. Elle n’a pas oublié la profession de foi qu’il lui a faite : avec de telles idées, il serait homme à lui reprocher d’avoir entravé son génie ! Et Aurelio se désole, tantôt maudissant ses idées, tantôt s’y raccrochant avec frénésie, jusqu’à ce qu’enfin, auprès du lit de mort d’une vieille parente qu’ils ont soignée en commun, Flavia et lui, poussés par un instinct plus fort que toutes les raisons, tombent amoureusement dans les bras l’un de l’autre.

C’est là, comme l’on voit, un petit roman sentimental assez anodin, mais simple, gracieux, et pouvant donner lieu à plus d’une scène touchante. M. Butti l’a, du reste, fort habilement traité, à quelques singularités près, que je vais signaler tout à l’heure. La figure de la jeune fille, surtout, est dessinée, ou plutôt esquissée, avec beaucoup d’art ; et l’on ne saurait trop louer les nombreuses descriptions qui accompagnent le récit ; trop nombreuses peut-être, mais variées à souhait, colorées, vivantes, dignes de l’admirable nature qui les a inspirées. Jamais encore, ni dans l’Ame, ni dans l’Automate, M. Butti n’avait montré d’aussi précieuses qualités de poète et de peintre. Et si, malgré la différence des sujets, sa Flavia rappelle un peu l’Hyacinthe du Triomphe de la Mort, si le style de ses descriptions fait inévitablement songera celui des paysages de M. d’Annunzio, n’est-ce pas une preuve des heureux effets qu’a déjà produits, en Italie, l’influence d’un maître justement célèbre ?

Mais l’influence de M. d’Annunzio a produit, dans l’œuvre de M. Butti, d’autres effets moins heureux. Elle a notamment conduit le jeune romancier à parsemer ses récits de digressions philosophiques, morales, et scientifiques qui, dans un sujet du genre de celui qu’il s’était choisi, ne pouvaient manquer de paraître déplacées. Et de fait, on n’imagine pas combien ces digressions abondent dans l’Enchantement, combien elles y ont peu de rapport avec l’action, et combien elles dénaturent le caractère de celle-ci, sans profit pour la beauté, ni pour la vérité. A chaque page, M. Butti s’interrompt d’être lui-même, pour imiter la manière et jusqu’aux expressions de M. d’Annunzio. Il s’efforce de donner aux simples amours d’Aurelio et de Flavia les proportions d’un vaste symbole poético-scientifique, sans s’apercevoir qu’une telle entreprise n’est point de son fait, que son sujet ne comporte pas des prétentions aussi hautes, et qu’un tour plus simple l’aurait mieux servi.

Il nous avertit, d’abord, dans son Avant-propos, que le roman qu’il nous offre est le début d’un grand cycle. Son objet est de nous y