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dépouillement, un ton pour tout le ciel. Et bien avant qu’on parlât d’écrans orthochromatiques ou de gomme bichromatée, M. H.-P. Robinson étendait des ciels d’un ton très ferme et nuancé sur tous ses paysages. On voit donc que l’absence du ton du ciel, chez les photographes d’autrefois, n’était pas uniquement dû à l’imperfection de la photographie, mais à leur négligence. De même, sils s’interdisaient les grands effets de lumière, les effets à la Turner et à la Claude Lorrain, en enseignant qu’il faut toujours tourner le dos au soleil, ce n’était point qu’ils craignissent le halo ou les accidens semblables. C’était qu’ils se souciaient aussi peu d’effets à la Turner que d’un ton juste pour le ciel. Et ils s’en souciaient peu parce que ces effets artistiques ne s’obtiennent, en général, qu’aux dépens de la minutieuse et scientifique définition des détails. Frappées de face par les rayons du soleil, les veines d’un caillou, les brindilles d’un buisson reluisent plus exactement. Et dans la représentation de la figure humaine, ce n’est pas un effet vigoureux et caractéristique qui permet de tout apercevoir, c’est un éclairage égal, tendre et mou. Pour les photographes, non seulement l’accent n’est pas nécessaire, mais il est nuisible, et s’ils aperçoivent dans le cliché, sur le masque humain, un trait un peu vif, une ride un peu soulignée, un relief un peu bossue, ils l’enlèvent d’une retouche savante, afin que l’épiderme s’arrondisse également à la ressemblance d’une baudruche gonflée et que l’ombre se dégrade sur l’ovale d’une joue comme sur la panse d’un ballon.

Tout cela tenait au photographe au moins autant qu’à la photographie. C’est pourquoi les artistes n’avaient point tort en condamnant les épreuves qu’on leur mettait sous les yeux, mais ils allaient peut-être un peu vite en déclarant que le procédé ne pouvait en donner d’autres. Le jour où des hommes d’un goût sûr sont venus et ont laissé là les dogmes photographiques, des œuvres fines, délicates, harmonieuses ont paru. On ne retrouve plus aucune perspective exagérée dans les scènes d’intérieur de M. Puyo, ni de « noirs bouchés » dans celles de M. Demachy, ni de détails inutiles dans les paysages de M. Bucquet, ni de chairs molles et rondes dans les figures de M. Maskell, de M. Kuhn ou de M. Hollyer. Les ciels de MM. Henneberg et Horsley IHinton sont animés, vigoureux, plafonnans. Là même où le ciel est bleu dans la Nature, son image est traduite dans l’image par un ton assez fort pour que les maisons, blanches, s’enlèvent, en clair sur le ciel,