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et de quoi, sinon des circonstances présentes, de la crise que traverse l’Europe, et qui, du côté de l’Orient, semble encore assez éloignée d’atteindre son dénouement ? Les conversations du roi Humbert, de ses ministres, du comte Goluchowski, sont venues à la suite de beaucoup d’autres : elles complètent en quelque sorte une série, qui ne s’est d’ailleurs pas déroulée et épuisée tout entière entre participans de la Triple Alliance. Cette facilité de mœurs, qui permettait autrefois à M. de Bismarck de flirter avec les puissances restées maîtresses d’elles-mêmes, ne s’est pas complètement perdue. L’empereur François-Joseph est allé à Saint-Pétersbourg, où il a été reçu avec une déférence sympathique. Là aussi, sans doute, on a causé ; et de quoi, sinon des Balkans ? Le bruit s’est répandu en Europe que les explications échangées à ce moment avaient amené une confiance plus grande dans les rapports des gouvernemens austro-hongrois et russe. L’un et l’autre sont si profondément amis de la paix, qu’ils ont dû aller assez loin pour écarter tout ce qui pouvait faire naître le moindre danger de conflit. Et c’est peut-être à cela qu’il faut attribuer, au milieu de ses complications intérieures, la hardiesse avec laquelle l’Autriche a poussé sa politique à Belgrade. Nous n’avons pas à raconter, après tous les journaux, la révolution ministérielle qui s’y est produite, dès le lendemain du jour où y est rentré le roi Alexandre, escorté du roi Milan, son père, — à moins qu’il ne faille dire le roi Milan, docilement suivi du roi Alexandre, son fils. — L’Europe est trop coutumière des petits coups d’autorité de ce genre pour y attacher grande importance. Elle sait ce que valent ces intrigues, et quel en est le fond. Elle se contente de marquer les coups dans cette partie interminable, où l’influence autrichienne l’emporte quelquefois sur l’influence russe, et l’influence russe l’emporte d’autres fois sur l’influence autrichienne. Celle-ci prévaut aujourd’hui ; celle-là prévalait hier ; demain reste ouvert à tous les paris. Il y a des peuples qui ne se lassent pas d’être ainsi gouvernés, tant l’habitude est une seconde nature. Ce qui est sûr, c’est que la Russie a considéré le changement ministériel de Belgrade avec plus de philosophie, ce semble, qu’elle ne l’aurait fait il n’y a pas encore bien longtemps. Elle a sans doute ses raisons pour cela. Peut-être lui a-t-on donné des garanties d’un autre côté. Il n’y a pas à se préoccuper de l’Italie, puisque son inféodation à la Triple Alliance l’oblige à se réjouir des succès de l’Autriche, et ne lui permet pas de s’inquiéter de ce qui laisse celle-ci indifférente. Cependant, il était convenable que le comte Goluchowski fournît quelques explications à ce sujet. Est-ce pour cela qu’il est allé à Monza ? Est-ce pour autre