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révélations de M. de Bismarck, lorsqu’il a raconté qu’en dehors de son alliance principale avec l’Autriche et l’Italie, il en avait aussi conclu une avec la Russie, et qu’il a reproché à l’empereur de ne l’avoir pas renouvelée. — Eh quoi ! lui a-t-on dit, vous avez manqué à la fidélité exclusive que vous deviez à vos alliés de Vienne et de Rome ! Vous avez abusé de leur confiance, voire de leur innocence ! Vous avez fait une contre-assurance, une contre-alliance, précisément avec une des puissances contre lesquelles la Triplice était dirigée ! — Et beaucoup de publicistes se sont voilé la face, en présence de ce qu’ils regardaient comme une trahison. Il nous a semblé, dès ce moment, qu’ils exagéraient, et que, peut-être, M. de Bismarck avait été encore plus habile que coupable. Mais on peut juger de la satisfaction avec laquelle il constate que l’Italie n’a pas eu plus de scrupules que lui, et que son alliance avec l’Allemagne et l’Autriche ne l’a pas empêchée d’en nouer, ou du moins d’essayer d’en nouer une nouvelle avec l’Angleterre. Il l’en approuve grandement. Nous craignons, toutefois, que le traité de M. de Bismarck avec la Russie n’ait été libellé en termes autrement rigoureux que le traité de l’Italie avec l’Angleterre. Mais passons.

Lorsque l’Italie le voudra, elle retrouvera tous les avantages que lui a assurés, pour peu qu’elle consentît à en jouir, l’heureuse étoile sous laquelle elle est née. Elle n’a pas besoin de la Triple Alliance pour mener une existence facile. Il lui suffit, pour cela, de reprendre toute son indépendance, et de ne l’aliéner, en totalité ou en partie, ni avec celui-ci ni avec celui-là. Mais elle n’en est pas encore à ce point de sagesse. Sans attacher plus d’importance qu’il ne faut au voyage du comte Goluchowski à Monza, voyage qui a suivi d’assez près celui des souverains italiens en Allemagne, on aurait tort de ne lui en reconnaître aucune. À mesure que les lions de la Triple Alliance semblent se relâcher, sous l’action du temps et des circonstances, les hommes politiques qui y sont intéressés multiplient les démonstrations pour les resserrer. On sait pourquoi l’empereur François-Joseph ne va pas en Italie ; c’est parce qu’il serait obligé d’aller iv Rome, et qu’il n’a pas encore pu s’y résoudre ; mais le comte Goluchowski n’est pas soumis aux mêmes exigences. On le reçoit volontiers à Monza, à la porte de Milan. On l’y fête même, et si son séjour a été rapide, il a été des plus brillans : le marquis di Rudini, le marquis Visconti-Venosta, d’autres ministres encore avaient été conviés à se rendre auprès du roi Humbert, afin de faire connaissance avec le ministre autrichien. À en croire les notes officielles et officieuses, tout s’est passé en cérémonies de protocole : pourtant, on a dû causer,