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et sa plume. A parler franchement, il n’y a de curieux dans son article que deux lettres, échangées, en 1886, entre le comte de Launay, ambassadeur d’Italie à Berlin, et le comte de Robilant, ministre des affaires étrangères à Rome. Ces lettres, qui ne semblaient pas destinées à une publicité aussi rapide, ne modifient pas la physionomie connue de M. de Launay, mais elles ajoutent à celle de M. de Robilant quelques traits nouveaux, et même un peu imprévus. M. de Launay a été un de ces ambassadeurs qui, après avoir passé quelque temps dans un pays, en adoptent les idées, les mœurs, les intérêts même, au point de s’y laisser presque absorber. On a pu se demander quelquefois s’il n’était pas aussi bien l’intermédiaire du gouvernement allemand auprès du gouvernement italien, que du gouvernement italien auprès du gouvernement allemand. Il avait la conviction que l’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux, et le grand homme, pour lui, était le prince de Bismarck. Il jouissait de ses bonnes grâces ; il en était heureux, et il désirait faire partager ce bonheur à son gouvernement, ce qui était d’une bonne âme. Vivant près du soleil, il se sentait à la fois échauffé et éclairé de ses rayons. Son thermomètre était toujours au même degré d’admiration et de confiance, signe incontestable d’un bel équilibre moral. Peut-être n’avait-il pas de nerfs : le comte de Robilant en avait. C’était un grand personnage et un grand seigneur que le comte de Robilant. Il avait un sentiment élevé de sa dignité personnelle, et, tout en acceptant certains jougs, après les avoir même recherchés, il gardait des instincts d’indépendance. Il restait susceptible d’éprouver de l’humeur, de ressentir des impatiences, de manifester quelquefois de l’irritation, toutes choses qui étaient étrangères à la nature plus douce de M. de Launay, dont rien n’était capable de troubler la béatitude. En un mot, le diplomate, chez lui, n’avait pas tout à fait déprimé et étouffé l’homme. Certes, il était partisan de la Triple Alliance. Il ne s’était pas contenté de l’accepter après coup ; il avait contribué à la faire, ou à la faire faire. Au moment où elle a été conclue, il était, si nous ne nous trompons, ambassadeur d’Italie à Vienne ; mais il conservait une situation personnelle très considérable à Rome. Il était un des conseillers du roi Humbert, un des plus actifs, un des plus écoutés, et c’est un fait de notoriété publique, incontestable et incontesté, que nul n’a plus contribué que lui à pousser son souverain dans les voies où il s’est finalement engagé. Depuis, M. de Robilant est devenu ministre des affaires étrangères, et cette alliance qui était en partie son œuvre, il l’a renouvelée Un le considérait, en conséquence, comme un de ses champions les plus résolus, les plus