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justifient les cours ; que les charbonnages n’ont pas encore ressenti tout l’effet de la hausse des prix, sagement réglée par les syndicats, et que leurs dividendes doivent s’en ressentir pour une période dont on n’entrevoit pas encore la fin ; que la métallurgie est dans une ère de prospérité ininterrompue, comme le prouvent les résultats obtenus par les aciéries les plus importantes du pays. Quoi qu’il en soit, et en admettant que la bourse ait commis et soit encore prête à commettre des excès, il est indéniable que l’expansion industrielle de l’Allemagne ne s’arrête pas. Une simple statistique met en lumière d’une façon saisissante cette évolution qui a fait d’un pays agricole un État industriel. Jusque vers 1875, l’Allemagne exportait des produits agricoles ; aujourd’hui elle importe, non seulement des grains, mais de la viande, du tard, des œufs et d’autres objets d’alimentation pour 2 milliards et demi de francs de plus qu’elle n’en exporte. En 1881, cette différence n’était encore que de 1 250 millions. D’après le dénombrement de 1882, les agriculteurs, au nombre de 19 millions 1/4, représentaient 42 et demi pour 100 de la population. En 1895 , ils ne sont plus que 16 millions et demi et ne forment que 36 pour 100, un peu plus du tiers, de la population. L’industrie, qui compte 20 millions 1/4 et le commerce 6 millions d’âmes, occupent à eux deux plus de la moitié de la nation. L’accroissement même de la natalité a déterminé en partie cette transformation ; en exploitant les richesses du sol, avant tout le fer et le charbon, les ouvriers fournissent à l’exportation de quoi payer les substances alimentaires qu’il est aujourd’hui nécessaire de faire venir de l’étranger. L’Allemagne n’en est pas encore au même point que l’Angleterre, qui importe les deux tiers du blé qu’elle mange : mais elle n’en accomplit pas moins une évolution en ce sens, qui sera d’autant plus rapide que le chiffre de ses habitans grandira plus vite. Il est indispensable d’avoir cette vérité présente à l’esprit pour bien comprendre le mouvement financier contemporain de l’Allemagne, qui n’est qu’une conséquence de son activité industrielle.


V

Avec sa population qui, en vingt-cinq ans, a augmenté du quart, avec sa marine qui construit les plus grands paquebots connus, ses ports dont l’activité a décuplé, son commerce qui