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UNE REINE DE SUÈDE
SŒUR DU GRAND FRÉDÉRIC


Souvent un peu de vérité
Se mêle au plus grossier mensonge.
Cette nuit, dans l’erreur d’un songe,
Au rang des rois j’étais monté.
Je vous aimais, princesse, et j’osais vous le dire !
Les dieux à mon réveil ne m’ont pas tout ôté :
Je n’ai perdu que mon empire.


La princesse de Prusse, Louise-Ulrique, à laquelle Voltaire adressait en 1743 ce gracieux compliment, qui ressemblait à une déclaration, était de huit ans plus jeune que son frère le grand Frédéric, et elle avait douze ans de moins que la spirituelle margrave de Bayreuth, Née à Berlin le 24 juin 1720, elle épousa le 17 juillet 1744 Adolphe-Frédéric, prince royal de Suède. Un Suédois, M. de Heidenstam, a eu l’heureuse idée de recueillir ses lettres dans les archives où elles étaient enfouies et de raconter son histoire en français[1]. La reine Louise-Ulrique avait été surnommée par ses ennemis le fléau de la Suède : M. de Heidenstam n’a pas eu à se plaindre d’elle, et il s’est bien trouvé de l’avoir tirée de l’oubli. Elle lui a fourni la matière d’un livre très agréable, très vivant, très curieux, qui nous apprendrait, si nous ne le savions déjà, que le sens politique est un don spécial, qu’une femme peut posséder de brillantes et rares qualités d’esprit et n’entendre rien à la science du gouvernement, que nous sommes trop enclins à accuser la fortune, que notre caractère est pour beaucoup dans l’heur et le malheur de notre destinée. Mais c’est une vérité dont nous avons

  1. Une sœur du grand Frédéric, Louise-Ulrique, reine de Suède, par O.-G. de Heidenstam, avec l’introduction de René Millet ; Paris, 1807. librairie Plon.