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dirige à sa guise, tout en le traitant, en public et en particulier, sur un pied de parfaite égalité et de franche cordialité. Le régent se garderait bien de ne point observer les « recommandations » de son frère, car il sait ce qu’il lui en coûterait : nommé par le gouvernement, il sait qu’il ne sera maintenu dans son poste qu’à la condition de plaire au gouvernement.

Le régent est toujours choisi parmi les nobles qui, antérieurement à la conquête, gouvernaient le district au nom du souverain indigène. Dernier vestige du régime féodal qui florissait à Java dans les siècles passés, il descend en droite ligne des vassaux de l’ancien royaume de Mataram. Les Hollandais ont réduit la puissance de ces nobles, tout en leur laissant le prestige, qu’ils font servir à leurs desseins, et c’est avec leur concours qu’ils ont introduit le fameux système de culture, auquel ils les gagnèrent en leur attribuant la possession du sol. Pour mieux les tenir en main, ils leur concédèrent l’hérédité dans la transmission du pouvoir, respectant ainsi un principe qui a prévalu de temps immémorial chez les anciens Javanais. Ils comprenaient aussi que les indigènes se laisseraient gouverner beaucoup plus docilement par un régent de haute lignée, connu et respecté dans le pays, que par un fonctionnaire choisi dans les classes inférieures, ou tiré d’une province éloignée. Autant que possible, on a conservé les anciennes divisions du pays, en sorte que l’autorité du régent s’étend sur le même territoire et les mêmes populations qui étaient soumis à ses ancêtres. Il jouit de propriétés foncières qui sont l’apanage de sa charge. Mais, malgré tout le faste et toutes les dignités qui sont attachés à son rang, malgré toute l’influence qu’il doit à sa qualité de prince, le régent n’est, sous les dehors d’un radjah indigène, qu’un employé salarié du gouvernement hollandais ; quand la régence est vacante, c’est, d’ordinaire, le fils du défunt qui est appelé à lui succéder, par respect pour le principe d’hérédité ; mais cette succession n’est point de droit, et le gouvernement qui nomme ce fonctionnaire peut aussi le déplacer et même le destituer. Du jour où il est démis de ses fonctions, il n’est plus qu’un membre de la famille du régent, et son faste, sa fortune et sa puissance passent à celui que le gouvernement a choisi à sa place dans le sein de la même famille. Un écrivain anglais l’a remarqué, la politique des Hollandais à Java semble, sous bien des rapports, leur avoir été inspirée par l’expérience que leur a donnée une longue résidence à Désima ;