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bornes de la connaissance humaine : to extend the bounds of human knowledge » ; et tout de suite, en effet, c’est la générosité de cette ambition qui, parmi toutes les autres Universités d’Amérique, a caractérisé Johns Hopkins. Et la « troisième fonction d’une Université, ajoutait-il, est de répandre la connaissance, to disseminate knowledge « ; et en effet ce n’est pas pour nous, mais pour les transmettre, que nous avons hérité du trésor de la tradition ou des acquisitions de l’expérience ; et c’est bien à quoi l’on s’efforce ici. Par des publications, par des « lectures « , par des « articles » de Revues ou de Magazines, par des communications avec la presse, letters to the daily press, M.. D. C. Gilman a voulu que l’Université Johns Hopkins gardât toujours le contact de l’opinion ; et il semble qu’il y ait pleinement réussi. Nous nous faisons en France une idée plus mystique et plus pratique à la fois de la science : plus pratique, je veux dire que beaucoup de nos jeunes gens n’y voient guère qu’une matière d’examen ou une occasion de diplômes ; et plus mystique, si nous affectons trop souvent de craindre, en la répandant, de la « vulgariser ».

Un détail d’organisation m’a plus particulièrement frappé à Johns Hopkins, et d’autant que je le crois imité de l’organisation de notre Ecole pratique des hautes études. C’est qu’il n’y a point ici, comme dans nos Universités, — donnons-leur ce nom puisqu’il les flatte, — quatre ou cinq professeurs pour enseigner, je suppose, la littérature latine ou anglaise, égaux en titres, égaux en droits, et à peine dépendant même de leur doyen, mais un seul, qui est le chef responsable de son c département, » et qui en répartit la tâche commune entre ses associés, assistans, « instructeurs » et « lecteurs », dont le nombre varie avec les besoins du service et les ressources de l’Université. Je ne conçois pas de meilleur moyen, plus simple ni plus sûr, d’imprimer aux études en tout genre une féconde unité de direction. Tandis qu’en effet, chez nous, à la Sorbonne, par exemple, un professeur enseigne « la poésie française », un autre « l’éloquence française », et un troisième, depuis quelques années, « la littérature dramatique », — ce qui les expose à couper en trois, pour s’en partager les morceaux, l’auteur du Cid ou celui de Tartufe, — et ce qui divise nécessairement leur effort ; il n’y a point au contraire ici d’effort perdu, parce qu’il n’y a point de double emploi, ni de « frottement », et encore moins de divisions. Le président de l’Université choisit ses collaborateurs, d’accord avec les professeurs titulaires ; il leur