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Je tiendrai compte seulement de ce fait qu’il y a, dans la conception que l’auteur des Fleurs du Mal et celui des Fêtes galantes se sont formée de la poésie, quelque chose de vaguement analogue à l’idée mystique et sensuelle à la fois que le génie anglo-saxon semble parfois s’en être formée. Comme d’ailleurs cette idée s’est développée chez nous par contraste, ou même en hostilité déclarée avec l’idée parnassienne, j’expliquerai ce qu’ont voulu les poètes que l’on a chez nous nommés de ce nom. Et nécessairement, la part beaucoup trop grande que l’on fait encore de nos jours au romantisme, dans le mouvement du siècle, se trouvera réduite d’autant. Aussi bien toute l’Europe a-t-elle eu ses « romantiques » ; et pour montrer ce qu’il y a dans Musset d’analogue à Byron, je n’aurai pas besoin d’un long discours. Quoi que d’ailleurs on puisse penser respectivement des Poèmes Barbares ou des Poèmes Antiques et de la Légende des siècles, il y a donc autant de « nouveautés » dans la théorie parnassienne que dans la théorie romantique. Et cela fera mes trois dernières leçons, dans la première desquelles je tâcherai de définir le mouvement romantique, en lui-même, et par rapport au romantisme anglais ou allemand ; dans la seconde je montrerai comment et pourquoi les « parnassiens » ont différé des « romantiques » jusqu’à en devenir la contradiction vivante ; et enfin dans la troisième je rattacherai au symbolisme ce que je crois discerner dans la poésie contemporaine de tendances nouvelles…


Ma conférence est terminée : j’ai surveillé mon discours et j’ai fait attention de ne m’exprimer qu’au moyen de ces « termes généraux », qui sont un peu les mêmes en français et en anglais. Il y a un « vocabulaire » de la critique, auquel je n’ai mêlé que le moins que j’ai pu de gallicismes et de tours empruntés à la conversation. J’ai cru devoir aussi parler plus lentement que je ne fais d’ordinaire. Mais l’auditoire s’en est aperçu, et je pouvais me dispenser de cette précaution. On a compris tout ce que je disais, et quand j’aurais parlé plus vite, on l’aurait encore compris. Il ne me reste qu’à essayer de soutenir l’intérêt qu’il semble que cette première conférence ait éveillé, et je suis seulement un peu contrarié que de toutes la seconde soit la plus ingrate, et doive l’être. Que dirai-je demain du Roman de la Rose ? ou d’ la poésie courtoise, en général, et de toute cette littérature que rendent si ennuyeuse, pour nous-mêmes Français, l’insignifiance du sentiment, l’abus de l’allégorie, et l’insuffisance de l’expression ?