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mal qu’on disait d’eux, piétistes et mystiques répliquaient en faisant le bien. Franke, pour s’arracher à l’incroyance de sa jeunesse, se jeta dans l’action charitable et fut le premier homme d’œuvres de la Réforme allemande ; c’est lui qui donna le branle aux missions en pays païens, et c’est sous l’impulsion de ses encouragemens que le baron de Canstein inaugura la diffusion de la Bible à travers les masses. Le groupement créé par Urlsperger fut comme le tronc fécond autour duquel se ramifièrent la société de missions d’Elberfeld, la société biblique de Berg, la société de tracts du Wupperthal. Les maisons d’orphelins de Ludwigsburg et de Stuttgart, l’association centrale de bienfaisance inaugurée à Stuttgart en 1817, le premier asile pour la jeunesse coupable, fondé par Zeller en 1820, eurent des origines nettement piétistes. « Si le sel de la terre s’évapore, avec quoi salera-t-on ? » Ce sont ces humbles sectaires, profondément imprégnés de l’esprit chrétien, qui détournèrent de l’établissement luthérien l’imprécation menaçante de Jésus.

A l’heure présente, dans certaines régions de l’Allemagne, l’infatigable activité de leurs successeurs déchaîne, avec une sainte violence, le souffle de Dieu. La vallée supérieure de la Sieg est en train de devenir une terre de prophétisme. Quelques familles de mystiques, les Krummacher, les Siebel, ont entretenu dans ce district et dans l’industrielle vallée de la Wupper, qui en est toute voisine, un étrange mouvement d’exaltation, mouvement qui d’ailleurs se divise à l’infini. Il y a là la Société évangélique, plutôt luthérienne d’inspiration, l’Association des Frères, fondée sous l’influence de la secte anglo-saxonne des arbystes, aux yeux desquels toute église vient du diable, et l’Association pour la prédication ambulante, à laquelle les pasteurs officiels font un accueil très divers et les autorités supérieures un accueil unanimement mauvais ; en outre, une multitude de petites communautés, dont les unes se joignent pour la Pâque à l’Eglise établie, et dont les autres font la Pâque chez elles. Tillmann Siebel, un des chrétiens qui eurent le plus d’influence dans ces parages, recommandait, il y a quarante ans, qu’on cessât de fréquenter l’église, afin d’éviter le contact des incroyans et de contraindre les pasteurs officiels à opérer des réformes ; il a fait école, et l’Eglise officielle, dans la vallée de la Sieg, perd une notable partie du terrain qu’y gagnent les petites communautés mystiques.

Dans le Wurtemberg, à certains momens du siècle, on